Conseil de déontologie – Réunion du 25 septembre 2024Plainte 24-10T. Benabderrahmane c. L. Hammouch / Bruxelles Media,The Belgium Times, Almouwatin, L’Europe info, The Paris Times, Le Député, Le-Tribunal.be & Le Courrier africainEnjeux : responsabilité sociale (préambule du Code de déontologie) ; recherche et respect de la vérité / vérification / honnêteté (art. 1) ; omission / déformation d’information (art. 3) ; prudence (art. 4) ;confusion faits-opinion (art. 5) ; indépendance (art. 11) ; concours à des activités de communication non journalistique (art. 13) ; droit de réplique (art. 22) ; identification : droits des personnes (art. 24) et respect de la vie privée (art. 25) ; attention aux droits des personnes en situation fragile (art. 27)Plainte fondée : préambule et art. 1, 3, 4, 5, 22, 24, 25 et 27 du CodeArt. 11 et 13 non applicables

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En résumé :Le Conseil de déontologie journalistique a constaté ce 25 septembre 2024 qu’un article du site web Belgium Times qui s’intéressait aux raisons motivant l’arrestation de M. Tayeb Benabderrahmane au Qatar pour association de malfaiteurs et intelligence avec un Etat étranger était contraire à la déontologie. Le CDJ a relevé que le journaliste, qui avait choisi de défendre la thèse de la culpabilité de l’intéressé, n’avait pas correctement traité, recoupé et sourcé les informations qu’il diffusait, en avait omis d’autres essentielles qui allaient à l’encontre de sa vision du dossier, reprenait à son compte, sans s’en distancier, une série d’affirmations incriminant la personne mise en cause, avançait des insinuations à son propos, confondait son opinion avec les faits. Le CDJ a conclu que le journaliste, ainsi que tous les médias (web) du groupe BXL-Media qui en plus du Belgium Times avaient relayé l’article – Almouwatin, L’Europe info, The Paris Times, Le Député, LeTribunal.be et Le Courrier africain – s’étaient exposés à relayer une information tronquée et des rumeurs non vérifiées, au risque de servir des intentions sans aucun rapport avec le droit à l’information du public.Origine et chronologie :Le 1er avril 2024, M. T. Benabderrahmane introduit une plainte au CDJ contre un article en ligne de la rédaction du Belgium Times (groupe BXL-Média) consacré aux raisons de son arrestation au Qatar. La plainte, recevable sous réserve de confirmation du CDJ, a été transmise au journaliste, par ailleurs éditeur responsable (président du média) le 4 avril. Le 5 avril, le plaignant a transmis un complément d’information par lequel il informait le CDJ de sa volonté d’étendre sa plainte à d’autres médias – sous la responsabilité du même éditeur – ayant relayé l’article litigieux. Lors de sa séance plénière du 24 avril, le CDJ a confirmé sa compétence à

l’égard des différents médias mentionnés dans l’intitulé du dossier. Le conseil du journaliste et des médias a répondu à la plainte le 30 avril. Le journaliste et les médias ont été invités à y apporter un éventuel complément d’information, une pièce annexe à la plainte initiale, dans laquelle était pointé un enjeu déontologique, ayant été communiquée dans l’intervalle par le plaignant. Leur conseil y a répondu le 21 mai. La partie plaignante arépliqué le 13 juin, via son conseil, après avoir sollicité et obtenu un délai de réponse complémentaire. Le conseil du journaliste et des médias a communiqué son second argumentaire le 3 juillet. Entre-temps, ce dernier avait introduit une demande tardive d’audition, qui n’a in fine pas été jugée nécessaire.Les faits :Le 25 mars, The Belgium Times – média en ligne membre du groupe BXL-Média, dont le fondateur et présidentest M. L. Hammouch et qui se décrit, sur son site internet, comme « un journal électronique, née juste après la vague d’attentat qui touche l’Europe et qui a comme objectif général la valorisation de la communication entre l’islam et les autres cultures. (…) », publie un article signé de la rédaction, intitulé « Ce que cache Tayeb Benabderrahmane : les vraies raisons de son arrestation au Qatar ». Cet article aborde, en environ 7 pages, le dossier qui oppose M. T. Benabderrahmane à, notamment, M. N. Al Khelaïfi, président du PSG, et au Qatar, en s’intéressant particulièrement à la personne du premier et aux raisons de son arrestation au Qatar. Sous le titre de l’article figure un montage qui accole la photo d’une voiture SUV blanche à celle du permis de conduire du Qatar de M. Benabderrahmane, dont le n° de carte d’identité (« Owner ID ») et le code barre sont biffés. L’article, qui débute en relevant que « Cette histoire est un serpent de mer qui ne finit pas. Benabderrahmane continue d’accuser le Qatar à cor et à cri mais il n’a sûrement pas tout dit sur ce qui s’est passé en 2020 sur place », revient dans un premier temps sur la situation de T. Benabderrahmane à son arrivée à Doha : « En juin 2019, le lobbyiste franco-algérien Tayeb Benabderrahmane, sa femme Mahdjouba Benkeltoum et leurs deux enfants Sarah (14 ans) et Othmane (12 ans) se sont installées à Doha (Qatar) pour des raisons professionnelles. C’est ce qu’il affirmait car il aurait eu, disait-il, un nouveau contrat avec Général Advisor, que lui aurait confié le Comité National des Droits de l’Homme du Qatar (NHRC), présidé par le Dr Ali Bin Samikh Al-Marri, d’une part et le développement d’investissements économiques propres, d’autre part ». Il s’intéresse ensuite aux différents logements occupés successivement par l’intéressé et sa famille –notant que « Ce qui est sûr, c’est que le couple vivait dans le grand luxe à Doha et leurs enfants étaient scolarisés au Lycée français Bonaparte de Doha », grâce à certaines personnalités politiques françaises –, ainsi qu’à leur installation sur le long terme au Qatar, relevant notamment que T. Benabderrahmane avait « pu rapatrier alors ses avoirs de France afin de procéder à l’acquisition d’un appartement et d’une belle voiture Range Rover blanche, immatriculée au Qatar ». L’article se poursuit et affirme qu’à l’époque de son installation à Doha, l’intéressé « était déjà connu déjà des services de police en France et ailleurs pour des faits graves d’escroquerie et d’espionnage. Pour ces raisons, et moins d’un an après son arrivée dans le Golfe, la lune de miel va rapidement virer au cauchemar pour Benabderrahmane qui pensait s’en sortir à bon compte à Doha et vivre les 1001 nuits loin des ennuis hexagonaux ». Il revient alors sur la genèse de son arrestation au Qatar :« En cette matinée du 13 janvier 2020, à 10h30, la maison de la famille Benabderrahmane est perquisitionnée par les forces de l’ordre qataries, en vue de trouver des pièces à conviction et de procéder à son arrestation. En réalité Tayeb était déjà impliqué dans beaucoup d’affaires. Il faisait l’objet de plusieurs plaintes déposées contre lui pour chantage et espionnage. Il avait en sa possession plusieurs documents obtenus frauduleusement sur la vie privée du président du PSG, Nasser Al Khelaïfi. Dessus, y figuraient photos et enregistrements en toute illégalité. Cela lui permettait de se livrer constamment à des actions de chantage sur le président du PSG pour qui il avait travaillé un temps ». Il indique également que « Le Qatar lui-même avait Tayeb Benabderrahmane dans le collimateur pour plusieurs graves infractions notamment, de graves soupçons d’espionnage au détriment de l’Emirat, probablement comme par hasard pour l’un de ses turbulents voisins », précisant que « Son niveau de vie était si élevé que sa rémunération n’était peut-être pas sa seule rentrée d’argent ». L’article précise encore que l’intéressé a été interpellé à son domicile « dans le respect de ses droits puisque la police n’avait pas voulu que ses enfants assistent à son arrestation selon le témoignage de sa propre femme ». Il détaille aussi les objets confisqués lors de la perquisition, affirmant qu’« il est évident que beaucoup de preuves avaient déjà étaient dissimulées par ce dernier, réputé dans le milieu pour souvent flirter avec les limites de la loi » et que « Même son présumé patron officiel au Qatar, le Dr. Ali Bin Samikh Al Marri, président du Comité National des Droits de l’Homme du Qatar à l’époque et Ministre du Travail depuis, s’est fait discret sur le sujet. Car au fond, tout le milieu des lobbyistes parisiens, sait que Tayeb Benabderrahmane n’est pas crédible donc peu défendable ». Sous ce paragraphe apparaît une photo d’illustration, qui semble provenir de Google Map et sur laquelle figure une grande flèche bleue (le sens de l’illustration n’est pas précisé).

L’article aborde ensuite la garde à vue du plaignant, lors de laquelle « il reconnaîtra avoir dissimulé des documents en Algérie dans une ‘‘valise rouge’’ : des éléments supplémentaires à charge à verser au dossier s’ils étaient récupérés par la justice », que son épouse aurait récupérée elle-même en Algérie. Il liste les éléments retrouvés dans cette valise, qu’il qualifie d’« Autant de preuves par la suite qui confirmeront les activités d’espionnage dont il était accusé par Doha ». A propos du droit de visite de T. Benabderrahmane, l’article mentionne : « Contrairement à ce qu’il claironne depuis quatre ans, Tayeb a eu le droit à des visites. En témoignent les nombreuses visites que lui rendait sa femme et même des appels téléphoniques pour s’enquérir de ses conditions de détention en prison ». L’article précise également que l’intéressé « Conscient de sa situation et de la peine qu’il pouvait encourir au Qatar si les soupçons d’espionnage étaient confirmés par la justice qatarie » aurait suggérer à sa femme de quitter le Qatar avec leurs enfants et de solliciter son réseau – il donne le nom de certaines des personnes qui en feraient partie – afin de lui venir en aide. Revenant sur la première comparution de M. Benabderrahmane et sur l’impossibilité pour son épouse de lui trouver un avocat et précisant que celle-ci « a préféré tout simplement quitter le Qatar avec ses enfants en laissant son mari et leur maison de luxe à Doha, car elle savait la situation très compliquée », l’article énonce : « Tayeb ne sortirait pas cette fois ci [sic] indemne de ses petits trafics ». En illustration, sous ce paragraphe, se trouvent plusieurs photos de l’intérieur et de l’extérieur d’une maison [supposément celle de M. Benabderrahmane et de sa famille à Doha]. L’article, qui précise que l’épouse de M. Benabderrahmane a organisé « la bataille juridique » à partir de Paris (notamment, « pour se tenir aussi à distance du scandale »), explique que « Le contact entre Tayeb et sa femme n’a pas été interrompu à son arrivée à Paris : il lui a même demandé d’apporter deux nouvelles clefs USB se trouvant à leur domicile à Doha. Mais sa femme refusa de s’exécuter, apparemment habitué [sic] aux affaires obscures de son mari. Pourtant, il lui avait même payé un billet (TK157231640389, avec le numéro de réservation P4UG8YQR42), au départ de Paris à 08h50 pour Doha, le 07 avril 2020. Reconnaissant la faute de son mari, Madame Benkeltoum essaya même d’intercéder auprès de Nasser al-Khelaïfi mais en vain. Elle disait même que l’inculpation de son mari pourrait ‘‘mettre tout le monde dans la merde.’’ Qui est donc tout le monde ? Difficile à ce stade-là d’en avoir le cœur net ». A côté de ce paragraphe se trouve une capture d’écran de ce qui semble être un article (illisible) du magazine Le 360° sport reprenant une photo de Nasser Al-Khelaïfi en illustration. L’article continue en évoquant l’accord « souhaité », selon lui, par M. Benabderrahmane : « Après avoir reçu la visite du numéro 2 des services qataris, Tayeb Benabderrahmane souhaitait qu’un accord soit trouvé avec ses avocats contre ses aveux. On parle donc bien d’espionnage, ce que lui reprochait Doha. Au début, les avocats de Tayeb furent plus ou moins obligés au vu de la suspicion flagrante de leur client de trouver un terrain de négociation avec les avocats de Nasser Al Khelaïfi pour la libération de Tayeb ». Détaillant la teneur de cet accord (notamment que « Ses conditions ont bien été à ce moment-là acceptées par la partie de Tayeb dans son intérêt car tout l’accusait et l’incriminait ») et la libération de l’intéressé, l’article énonce que « Ce sont les autorités françaises qui interviendront étrangement en invoquant des raisons médicales (et la présentation d’un certificat) afin de plaider pour sa remise en liberté », qu’« A l’issu [sic] de cette intervention pressante de la France, l’interdiction de quitter le territoire du Qatar de Tayeb a dès lors été levée et il put tranquillement alors regagner Paris en octobre 2020, malgré toutes les charges qui pesaient sur lui », mais aussi que « Plutôt que de se faire discret, au vu des interventions diverses suspectes depuis Paris en sa faveur (et pour quelles raisons ou en échange de quoi ?), il s’est mis dès lors en quête de mener une croisade contre le Qatar qui aurait pu le laisser croupir jusqu’au restant de ses jours. Mais son arrivée en France était bien loin de signifier la paix pour lui, et rien à ce jour n’a mis fin à ses ennuis judiciaires, car une autre procédure est désormais ouverte en son encontre. Depuis, il a fait bon nombre de médias et rarement en bien. Il n’y a pas de fumée sans feu, mais Benabderrahmane qui ne doute de rien, et ose tout, est prêt à laver son honneur en s’excitant auprès de toutes les instances en France et en Europe. Il pourrait prochainement se faire rattraper par la justice française, cellelà même du pays, qu’il croit encore être un eldorado et une terre d’impunité pour lui ». L’article, illustré par un dernier photo montage sur lequel figurent plusieurs documents manuscrits rédigés en arabe, se conclut en ces termes : « Malgré les faits qui lui sont reprochés et ses antécédents judiciaires, Benabderrahmane ne cesse d’engager et de multiplier des procédures judiciaires tant contre des personnalités qataries que françaises. Cette stratégie de l’attaque afin de cacher sa culpabilité nécessite des moyens financiers importants. Encore une fois la question se pose de la source de ses financements… », évoquant finalement l’impact de ces actions sur les relations entre le Qatar et la France et notant qu’« Il n’est donc pas raisonnable que de telles relations subissent les conséquences d’un acharnement mensonger de la part de Benabderrahmane ».Le même jour, plusieurs médias du groupe BXL-Média republient l’article intégralement. L’un d’eux le publie sous son titre original (Le Député), tandis que d’autres le modifient légèrement : 1. Almouwatin : « L’affaire Tayeb Benabderrahmane : enquête sur les motifs réels derrière son emprisonnement au Qatar » ; 2. Le-

Tribunal.be : « Les dessous de l’arrestation de Tayeb Benabderrahmane : comprendre les tensions diplomatiques sous-jacentes » ; 3. L’Europe info : « Les secrets de l’arrestation de Tayeb Benabderrahmane au Qatar : les vrais motifs révélés » ; 4. The Paris Times et Le Courrier africain : « Les secrets de l’arrestation de Tayeb Benabderrahmane au Qatar : les vrais motifs révélés ». Le Courrier africain a également procédé à l’ajout de sous-titres divisant ainsi le texte en plusieurs parties (« Interventions de Jean-Yves Le Drian et de Rachida Dati » ; « Déjà impliqué dans beaucoup d’affaires, il faisait l’objet de plusieurs plaintes déposées contre lui pour chantage et espionnage » ; « Tout le milieu des lobbyistes parisiens, sait que Tayeb Benabderrahmane n’est pas crédible donc peu défendable » ; « Intervention pressante de la France »). La source de l’article original est à chaque fois mentionnée en début d’article. Le site du groupe BXL-Média a, quant à lui, procédé à la publication, via un onglet –« catégorie » – « Nos articles » – d’un teaser renvoyant vers l’article du site Almouwatin, dont il est précisé l’auteur (« Par Lahcen Hammouch »). Ce teaser est constitué du titre et des premières phrases de l’article.Les arguments des parties :La partie plaignante :Dans la plainte initialeLe plaignant considère que l’article est diffamatoire, rempli d’inexactitudes et qu’il porte préjudice à sa réputation et à celle de sa famille, dès lors qu’il contient, selon lui, des erreurs manifestes, propage des accusations sans fondement et offre une description erronée des évènements les touchant lui et sa famille. Il juge l’article comme un élément d’une campagne de désinformation menée en réaction aux actions judiciaires qu’ils ont initiées contre l’Etat du Qatar et ses affiliés, campagne qui vise aussi d’autres personnalités du Parlement européen et le juge Claise, souligne-t-il, qui se sont exprimés sur le dossier dit du « Qatargate ».Le plaignant cite des passages du texte qui démontreraient son caractère gravement diffamatoire : « Pourtant, à l’époque, il était déjà connu des services de police en France et ailleurs pour des faits graves d’escroquerie et d’espionnage » ; « Déjà impliqué dans de nombreuses affaires, plusieurs plaintes pour chantage etespionnage avaient été déposées contre lui » ; « Cela lui permettait de se livrer constamment à des actions de chantage sur le président du PSG, pour qui il avait travaillé un temps » ; « Mais il est évident que de nombreuses preuves avaient déjà été dissimulées par ce dernier, connu dans le milieu pour souvent flirter avec les limites de la loi » ; « Tout le milieu des lobbyistes parisiens sait que Tayeb Benabderrahmane n’est pas crédible et donc peu défendable » ; « Autant de preuves qui, par la suite, confirmeraient les activités d’espionnage dont il était accusé par Doha » ; « Tayeb ne sortirait pas indemne cette fois-ci de ses méfaits » ;« Ce sont les autorités françaises qui interviendront étrangement, invoquant des raisons médicales (et laprésentation d’un certificat) pour plaider pour sa remise en liberté » ; « Malgré les faits qui lui sont reprochés et ses antécédents judiciaires, Benabderrahmane continue d’engager et de multiplier les procédures judiciaires, tant contre des personnalités qataries que françaises. Cette stratégie d’attaque, afin de cacher sa culpabilité, nécessite d’importants moyens financiers. Encore une fois, la question de la source de ses financements se pose… » ; « subissant les conséquences d’un acharnement mensonger de la part de Benabderrahmane ». Selon le plaignant, il est en effet diffamatoire d’imputer à une personne la commission d’infractions pénales, alors qu’à ce stade, il n’existe ni de condamnation pénale ni d’antécédent judiciaire en lien avec les faits dont l’article l’affuble.Il relève encore que certaines médias « consciencieux », citant Médium et Mediapart, ont retiré des articles similaires – dont il fournit une copie – de leur site.En complément d’informationLe plaignant transmet le témoignage de son épouse qu’il juge avoir été utilisé de manière malhonnête par le journaliste et son média. Il affirme que son contenu a été déformé de manière à travestir la vérité.Le journaliste et les médias :Dans leur première réponseLe conseil du journaliste et des médias conteste, tout d’abord, la recevabilité de la plainte, considérant qu’elle ne développe pas en suffisance et n’expose pas clairement et spécifiquement les reproches déontologiques visant la production. Il relève en effet qu’elle n’identifie pas ce que le plaignant appelle « des erreurs manifestes », « des accusations sans fondement » et « une description erronée des évènements » le touchant lui et sa famille.

Ensuite, le conseil du journaliste et des médias insiste sur le fait que le travail du journaliste consiste à rechercher et vérifier l’information, à la rédiger et à la transmettre sur tout type de support, tout en veillant à respecter certaines règles de base et la déontologie journalistique, dans le but de présenter et de commenter les faits. En l’occurrence, affirme-t-il, le journaliste a recherché et rassemblé une série d’informations – il renvoie aux annexes de l’article litigieux qui reprennent, selon lui, les sources et documents consultés – sur le sujet de l’article, avant de le rédiger, et a, en définitive, commenté des faits vérifiés sans la moindre intention de porter préjudice au plaignant ou à sa famille. Il ajoute que le journaliste ne souhaitait pas imputer la commission d’infractions pénales autres que celles déjà commises par le plaignant – se référant, pour appuyerson propos, à une annexe de l’article qui reprend une décision du Tribunal de Doha du 12 février 2020.Finalement, le conseil du journaliste et des médias estime que le retrait de l’article par d’autres médias ne constitue pas une base juridique ou un argument qui justifierait la suppression de l’article, mais doit être vu au contraire, affirme-t-il, comme un moyen de pression.En réponse au complément d’informationLe conseil du journaliste et des médias note, d’abord, que le plaignant fait état d’une situation sans développer d’arguments ou de griefs. De fait, relève-t-il, le plaignant indique que le journaliste s’est basé sur le document envoyé pour rédiger l’article litigieux sans démontrer que son contenu a été déformé ou travesti et sans, non plus, prouver que l’intéressé se serait essentiellement basé sur ledit document pour la rédaction de l’article.La partie plaignante :Dans sa répliqueLe conseil de la partie plaignante expose certains éléments de contexte : le plaignant est un homme d’affairesfrançais qui a développé, dès les années 2000, une expertise dans le domaine du conseil en géopolitique et géoéconomie internationale ; son expertise et ses compétences l’ont amené à être recruté par différentes institutions publiques qataries, à un moment où la situation du pays, au niveau international, était particulièrement précaire ; suspecté de détenir des documents compromettant pour le Qatar, le plaignant a été arrêté le 13 janvier 2020, séquestré, torturé et menacé de mort ; des pressions ont également été exercées sur sa famille ; sa survie n’est due qu’à la remise de ses données professionnelles et à la conclusion d’un engagement à garder le silence sur les traitements infligés – actuellement contesté devant les juridictions françaises ; malgré la signature de cet accord forcé, sa libération et son retour en France, le plaignant a été condamné à mort (par contumace) par le Qatar le 31 mai 2023 ; les faits qu’il dénonce font actuellement l’objet d’une instruction en France, pas moins de 3 juges d’instruction ont été saisis (le conseil fournit un lien renvoyant vers un article de la RTBF relayant cette information).Le conseil de la partie plaignante s’intéresse ensuite au groupe BXL-Média. Il formule dans un premier temps plusieurs constats : l’article litigieux est reproduit dans sept médias différents et est signé par la rédaction duBelgium Times ; ce dernier média fait partie du groupe BXL-Média. Il note que le site du groupe contient plusieurs informations : il indique être détenu et exploité par Almouwatin Bruxelles Media ASBL (le conseil observant que, depuis 2022, l’asbl est dénommée Bruxelles-Média, et en donne le n° BCE) ; le site précise que BXL-Média est un « groupe média international, un leader mondial de l’industrie médiatique » dont M. L. Hammouch, journaliste, serait le président fondateur ; il mentionne encore que « Le groupe Bxl-Média reconnu d’utilité publique, né juste après la vague d’attentats qui a touché l’Europe. Le groupe a comme objectif général la valorisation de la communication entre l’islam et les autres cultures ainsi que la lutte contre l’exclusion sociale, le racisme, l’antisémitisme, le radicalisme et le djihadisme ». Il observe que, ni le site internet, ni les statuts de l’ASBL, n’indiquent que la démarche informationnelle du groupe serait guidée par l’activité journalistique ou que l’activité journalistique menée par le groupe aurait pour but de garantir au public une information vraie qui serait dénuée de toute démarche publicitaire ou de propagande. Pourtant, selon lui, en utilisant les références au signe « Times » liées à des médias célèbres, en construisant son site internet de manière similaire aux formats numériques traditionnels des médias d’information et en mettant en avant la qualité de journaliste de son président et fondateur, le groupe BXL-Média entretient un biais qui nécessiterait une clarification car une confusion existe entre l’activité de journalisme et le militantisme avoué par le groupe. De fait, il souligne que les verbes « valoriser » et « lutter » induisent une influence sur l’indépendance journalistique et estime que l’article litigieux en est le reflet. Le conseil considère que ces éléments soulèventlégitimement la question du respect de l’indépendance du média et de la distinction entre publicité et journalisme.Le conseil de la partie plaignante développe ensuite les griefs à l’encontre de l’article litigieux. Premièrement, rappelant que le plaignant soutient avoir été arrêté, emprisonné et torturé durant de longs mois au Qatar pour avoir possédé des documents jugés compromettants, il relève que, contrairement à l’enquête menée par Libération – fournie en annexe – qui relaie les positions de chacun des protagonistes de l’affaire en

n’établissant que les faits qui ont pu être vérifiés, l’article litigieux vise, pour lui, à assoir la culpabilité du plaignant et à accumuler les informations à charge de manière partisane. Il affirme que tout ce qui permet d’accabler le plaignant est utilisé, peu importe que ce dernier ou des tiers aient une version différente des faits établis par le journaliste. Le conseil estime que l’article affirme à de multiples reprises la culpabilité de l’intéressé sans que cela ne repose sur une base factuelle. Il cite plusieurs extraits à l’appui de son propos : « Il avait en sa possession plusieurs documents obtenus frauduleusement sur la vie privée du président du PSG, Nasser Al Khelaïfi. Dessus, y figuraient photos et enregistrements en toute illégalité » ; « Cela lui permettait de se livrer constamment à des actions de chantage sur le président du PSG pour qui il avait travaillé un temps » ; « Autant de preuves par la suite qui confirmeront les activités d’espionnage dont il était accusé par Doha » ; « Tayeb ne sortirait pas cette fois ci [sic] indemne de ses petits trafics » ; « Cette stratégie de l’attaque afin de cacher sa culpabilité nécessite des moyens financiers importants » ; « Il n’est donc pas raisonnable que de telles relations subissent les conséquences d’un acharnement mensonger de la part de Benabderrahmane ». Il affirme ainsi que, ni les sources, ni les documents consultés par le journaliste et qui figurent en annexe de l’article ne permettent d’établir de telles accusations, mais montrent au contraire la volonté de ne rendre compte que d’une version favorable au Qatar et d’utiliser tous les éléments possibles, même les plus insignifiants, comme étant des preuves de culpabilité. Il cite en exemple la photo en illustration de l’article de la voiture du plaignant et de son logement au Qatar, disant ne pas voir en quoi cet élément démontrerait la commission d’une infraction quelconque. Il continue en affirmant que le journaliste se fait le relais de toutes les rumeurs qui permettent d’accréditer sa thèse et lance des affirmations péremptoires, considérant que, de la sorte, la prudence n’est pas observée et les approximations sont trop nombreuses. Il cite encore une fois plusieurs extraits de l’article pour démontrer son propos : « Benabderrahmane continue d’accuser le Qatar à cor et à cri mais il n’a sûrement pas tout dit sur ce qui s’est passé en 2020 sur place » ; « Son niveau de vie était si élevé que sa rémunération n’était peut-être pas sa seule rentrée d’argent » ; « Mais il est évident que beaucoup de preuves avaient déjà étaient dissimulées par ce dernier, réputé dans le milieu pour souvent flirter avec les limites de la loi » ; « Car au fond, tout le milieu des lobbyistes parisiens, sait que Tayeb Benabderrahmane n’est pas crédible donc peu défendable » ; « Mais sa femme refusa de s’exécuter, apparemment habitué [sic] aux affaires obscures de son mari » ; « (…) au vu de la suspicion flagrante de leur client (…) ». Il observe que, ici encore, le journaliste ne fournit aucun élément permettant de démontrer que ces suppositions et évidences ont été vérifiées et rapportées avec honnêteté. Le conseil ajoute que les informations relatives à l’épouse du plaignant ont été déformées puisqu’elle n’a, selon lui, à aucun moment reconnu « la faute de son mari », et que l’article soutient qu’elle a rendu de nombreuses visites à celui-ci, interpellé et arrêté « dans le respect de ses droits », sans évoquer sa propre version des faits.Le conseil de la partie plaignante considère encore que le journaliste devait permettre au plaignant et à son épouse de faire valoir leur point de vue au regard des accusations graves qu’il entendait publier à leur propos. Or, il souligne qu’aucun contact n’a été pris avec eux, alors même que la version du plaignant était reprise par de nombreux autres médias et sans que l’article ne mentionne qu’il avait une autre version des faits, en opposition totale avec celle présentée.Finalement, le conseil regrette une atteinte au droit à la vie privée du plaignant et de ses proches, relevant la mention du fait qu’il a une fille et un garçon dans l’article, dont les prénoms et l’âge sont donnés, sans plusvalue.Le journaliste / les médias :Dans leur deuxième réponseLe conseil du journaliste et des médias rappelle en préalable la liberté de la presse et la liberté rédactionnelle des journalistes qui en découle. Il réitère, par ailleurs, l’ensemble des arguments développés dans la première réponse, relatifs à la recevabilité de la plainte, au travail de vérification réalisé, à l’absence de volonté de porter préjudice au plaignant ou à sa famille ou d’imputer la commission de nouvelles infractions pénales à l’intéressé, et à l’utilisation du témoignage de l’épouse de ce dernier. En réponse à la réplique du conseil de la partie plaignante, il ajoute trois arguments : 1. selon lui, le journaliste, au travers de son travail de recherche, de sa liberté rédactionnelle et des sources et pièces consultées, a bel et bien informé dans le respect de la vérité ; 2. il affirme que l’art. 22 du Code de déontologie n’impose pas une obligation dans le chef du rédacteur, que la nécessité de recueillir la version du plaignant et de son épouse n’apparaît pas comme une vérité absolue (il cite la décision 23-29 A. Mathot c. M. Chode & L. Langer / RTL-TVi de laquelle serait issu ce principe) et que le plaignant n’indique pas en quoi sa version aurait pu changer la teneur de l’article ; 3. considérant que le plaignant est une personnalité publique et notant que certaines informations personnelles ont été rendues publiques par d’autres médias, il estime que mentionner ces informations ne constitue pas une atteinte injustifiée à la vie privée « dans le respect de la transparence et en prenant les précautions nécessaires à la sécurité des mineurs ».

Décision :En préambule1. Pour autant que nécessaire, le CDJ confirme que la production et les différents médias en cause relèvent bien de sa compétence. D’une part, il constate que l’auteur de l’article se présente comme journaliste ; il revendique dans sa défense une démarche de nature journalistique, indiquant que les informations qu’il relaie, particulièrement celles en cause, résultent d’un travail de vérification et d’enquête. Le CDJ observe que, hors considération préalable sur sa conformité à la déontologie journalistique, ce travail s’apparente sans conteste à celui qu’aurait pu réaliser un ou une journaliste pour d’autres supports.Que ce journaliste soit dans le même temps président des médias ou du groupe de médias auxquels il contribue n’enlève rien à ce constat. Le CDJ rappelle que, suivant son règlement de procédure, d’une part, et le Code de déontologie, d’autre part, est journaliste « toute personne qui contribue directement à la collecte, au traitement éditorial, à la production et/ou à la diffusion d’informations, par l’intermédiaire d’un média, à destination d’un public et dans l’intérêt de celui-ci », quel que soit son statut professionnel ou social. Il retient ainsi que quels que soient ses titres, l’intéressé apparaît aux yeux du grand public comme « journaliste ».D’autre part, le Conseil note que tous les médias visés – dont les noms (BXL-Média, The Belgium Times, Almouwatin, L’Europe info, The Paris Times, Le Député, Le-Tribunal.be, Le Courrier africain) évoquent l’univers journalistique – déclarent d’une manière ou d’une autre sur leur site faire de l’information, qu’ilsdiffusent régulièrement des contenus de nature informationnelle et que leur site Internet, établi ou actif en Communauté française de Belgique, présente la même organisation et structure que des médias d’informationclassiques. Le fait que le groupe BXL-Media se présente sur son site comme « un leader mondial de l’industrie médiatique », ayant comme objectif général « la valorisation de la communication entre l’islam et les autres cultures ainsi que la lutte contre l’exclusion sociale, le racisme, l’antisémitisme, le radicalisme et le djihadisme » relève strictement de choix éditoriaux, qui ne se confondent a priori pas avec de la propagande. Le CDJ rappelle que si ces choix sont libres, ils s’exercent néanmoins en toute responsabilité, c’est-à-dire dans le respect des principes de déontologie journalistique. Il ajoute encore qu’il importe peu, de son point de vue, qu’un média, dont il apparaît qu’il vise à donner au public des informations, ne rappelle pas à ce dernier qu’il travaille en toute indépendance, dès lors que le seul fait d’apparaître ou de se présenter comme média d’information entraîne dans son chef cette indépendance qui relève de la responsabilité déontologique dont il doit nécessairement rendre compte au public et à ses pairs. 2. Le CDJ rappelle que son rôle n’est pas de refaire l’enquête, ni de rechercher la vérité mais d’apprécier si les méthodes et le travail du journaliste ont respecté les balises fixées dans le Code de déontologie journalistique. Il souligne ainsi qu’il ne lui appartient pas de prendre position dans le dossier opposant M. T. Benabderrahmane, notamment, à M. N. Al Khelaïfi et au Qatar.Concernant l’article originel de The Belgium Times3. Le Conseil note que s’intéresser aux raisons motivant l’arrestation du plaignant au Qatar est d’intérêt général. Il retient également que le choix du journaliste et du média d’axer l’article sur la thèse de la culpabilité du plaignant arrêté au Qatar pour association de malfaiteurs et intelligence avec un Etat étranger relève de leur liberté rédactionnelle. Le fait que le journaliste apporte plusieurs éléments à l’appui de cette thèse l’est également, pour autant qu’il n’écarte aucune information essentielle et vérifie avec soin celles qu’il publie.4. Dans le cas d’espèce, le Conseil observe que le journaliste rapporte de nombreuses informations dont il indique qu’elles ont, pour une partie, été sourcées à la décision du Tribunal de Doha du 12 février 2020, pour d’autres, à des illustrations « annexes » à l’article litigieux – qui semblent issues du témoignage de l’épouse du plaignant mais dont le média ne confirme à aucun moment l’origine –, ainsi que, pour le reste, à d’autres sources qu’il n’identifie ni dans l’article, ni dans sa défense. A considérer que les sources, qui ne sont pas clairement identifiées, existent et soient pertinentes – sans légende, les illustrations n’établissent ni ne prouvent aucun des faits auxquels elles sont associées –, le CDJ constate qu’elles n’ont pas correctement été traitées et vérifiées

Bien que l’essentiel de l’information porte sur le jugement rendu par un tribunal qatarien à l’encontre du plaignant, le journaliste ne pouvait ignorer dans son travail d’enquête que ce dernier en rejetait la validité. Le Conseil note ainsi qu’une simple recherche Google permet de constater, entre autres, que le plaignant, ses proches et ses avocats avaient, au moment de la publication de l’article, déjà contesté publiquement les accusations relayées, qu’une information judiciaire avait été ouverte en France pour « enlèvement », « séquestration avec torture et actes de barbarie » et « extorsion en bande organisée » en lien avec la détention de M. T. Benabderrahmane au Qatar et visant M. N. Al Khelaïfi et plusieurs avocats, ou encore que la justice qatarienne avait rendu un jugement de condamnation à mort par contumace le 31 mai 2023 contre le plaignant. A défaut d’avoir mentionné ces éléments, le CDJ estime que le journaliste a omis d’apporter aux lecteurs des informations essentielles qui étaient pour certaines en contradiction avec la thèse qu’il défendait.L’art. 3 (omission d’information) du Code n’a pas été respecté. Le CDJ remarque également qu’en dépit de ce contexte particulier, les informations publiées n’ont pas non plus été recoupées à ces sources de première main – le plaignant lui-même, ses conseils ou ses proches. A défaut d’avoir sollicité les intéressés, le journaliste s’est privé de la possibilité de disposer d’éléments essentiels qui lui auraient permis de compléter son analyse, de vérifier la crédibilité des sources dont il disposait, de nuancer ou contextualiser les éléments que celles-ci rapportaient. Le Conseil conclut sur ce point à un défaut de vérification. L’art. 1 (recherche et respect de la vérité / vérification) n’a pas été respecté. Il observe par ailleurs que, puisque plusieurs faits rapportés dans l’article constituaient des accusations susceptibles de porter atteinte gravement à l’honneur et à la réputation du plaignant, mais aussi de son épouse – citée à de nombreuses reprises dans l’article –, le journaliste devait nécessairement solliciter leur point de vue avant diffusion, et en cas d’impossibilité, il devait le mentionner au public. Ne pas l’avoir fait contrevient à l’exercice légitime du droit de réplique des intéressés.L’art. 22 (droit de réplique) du Code de déontologie n’a pas été respecté. Faute de disposer d’indications précises sur les sources utilisées par le journaliste, le Conseil décide de ne pas pousser plus avant l’analyse des autres griefs y liés, avancés dans les argumentaires des parties, estimant qu’il devrait alors, pour ce faire, reproduire le travail de recherche du journaliste pour apprécier s’il a ou nonrespecté les principes de déontologie, ce qui n’est pas son rôle.5. Notant que le journaliste reprend à son compte, sans s’en distancier aucunement, une série d’affirmationsincriminant le plaignant (il est poursuivi judiciairement en France, impliqué dans « beaucoup » d’affaires et voit de nombreuses plaintes engagées à son encontre, etc.), qui ne sont pas sourcées et n’ont pas été recoupées – a minima – auprès des services concernés ou du principal intéressé, le CDJ rappelle qu’une rumeur n’est pas une information et que, si elle peut constituer une source initiale pour les journalistes, il leur appartient de la vérifier avant de la diffuser. Le processus de vérification lui enlève son caractère de rumeur pour la transformer en information recoupée. Le CDJ constate également que le journaliste avance, par allusion ou insinuation, plusieurs informations à propos du plaignant, sans les certifier et tout en induisant auprès du public la conclusion qu’elles sont sans doute avérées (manque de crédibilité dans son milieu professionnel, implication dans des « affaires obscures », rentrées d’argent suspectes, dissimulation d’éléments relatifs à son arrestation, trafics, etc.), glissant ici et là des conclusions personnelles qu’il n’affiche pas comme telles, pour les poser, elles aussi, comme des faits parfaitement établis et avérés (niveau de vie élevé du plaignant et de sa famille, dissimulation de preuves, mensonges, actions de chantage « constante » sur le président du PSG, etc.).Pour le CDJ, qui rappelle que les faits doivent être distincts des opinions, soit le journaliste détenait des informations sourcées lui permettant d’affirmer ces faits et il pouvait les exprimer comme tels, soit il ne disposait pas de telles informations mais alors il ne devait pas en parler plutôt que d’émettre des sousentendus.Les art. 1 (respect de la vérité / honnêteté), 3 (déformation d’information) et 5 (confusion faits-opinion) du Code n’ont pas été respectés. 6. Si l’identification du plaignant se justifiait en raison de son statut de personnalité publique lié à son activité professionnelle et les affaires judiciaires dans lesquelles son nom est cité et/ou mis en cause, il n’en va pas de même de son épouse et de ses enfants que le média a rendus identifiables sans doute possible par un public autre que leur entourage immédiat par la convergence des mentions de leur nom, prénom et, en ce qui

concerne les enfants, de leur âge et école. Il rappelle que la Directive sur l’identification des personnes physiques dans les médias (2015) prévoit de ne rendre les personnes identifiables que dans trois cas : lorsque la personne y a consenti, lorsqu’une autorité publique a, au préalable, communiqué l’identité de la personne ou lorsque l’intérêt général le demande. Il relève que cette même Directive souligne aussi que l’identification de mineurs nécessite une prudence particulière.En l’occurrence, concernant les enfants du plaignant, le CDJ considère, au vu des faits évoqués dans l’article et puisque ces derniers ne les concernaient pas, qu’une telle identification, qui n’apportait aucune plus-value à l’information, n’était pas justifiée par l’intérêt général. Il relève en outre que cette identification était d’autant plus problématique qu’elle concernait de jeunes enfants, soit des personnes en situation a fortiori fragile, au risque de porter atteinte à leurs droits.Quant à l’épouse du plaignant, le CDJ estime que, quand bien même elle a effectué certaines démarches pour obtenir la libération de son époux et est donc une protagoniste indirecte du dossier, son identification ne revêtait aucune plus-value dès lors que l’information aurait tout à fait pu être traitée sans procéder celle-ci.Les art. 24 (droits des personnes : identification), 25 (respect de la vie privée) et 27 (attention aux droits des personnes en situation fragile) du Code de déontologie, ainsi que la Directive sur l’identification des personnes physiques dans les médias (2015) n’ont pas été respectés.7. Au regard des accusations graves entourant cette affaire et de l’identification de ses proches qui ne revêtait aucune plus-value pour l’intérêt général, le CDJ retient que les manquements observés, qui contribuent à donner une vision tronquée du dossier pour asseoir la culpabilité du plaignant, attestent d’un défaut de responsabilité sociale. Il rappelle la nécessaire distance critique qu’exige l’activité journalistique à l’égard des sources, distance destinée à préserver la profession des a priori et de toutes formes d’instrumentalisation. Le Conseil constate que, dans le cas présent, faute de vérification suffisante, le journaliste s’est exposé à relayer une information tronquée et des rumeurs non vérifiées, au risque de servir des intentions sans aucun rapport avec le droit à l’information du public. Le préambule (responsabilité sociale) du Code n’a pas été respecté. 8. Sur ce point, le CDJ estime qu’il ne peut, au regard des éléments dont il dispose dans ce dossier, trancher la question de savoir s’il y a eu ou non pression, demande extérieure à la rédaction, ou selon les termes du plaignant « campagne de désinformation » du Qatar dans la production de cet article. Les art. 11 (indépendance) et 13 (concours à des activités de communication non journalistique) du Code ne trouvent pas à s’appliquer.Il appelle le journaliste et le média à corriger leur pratique susceptible de jeter le doute sur leur indépendance, et au-delà, à jeter le discrédit sur l’ensemble de la profession, et, particulièrement, à recouper et mettre en perspective leurs sources, en ce compris lorsqu’elles sont officielles. Concernant la reprise de l’article par les autres médias du groupe BXL-Media9. Le CDJ constate que Almouwatin, L’Europe info, The Paris Times, Le Député, Le-Tribunal.be et Le Courrier africain ont publié l’article en cause in extenso sur leur site d’information, sans aucune modification, excepté en ce qui concerne le titre de l’article, l’insertion de sous-titres ou le retrait de certaines photos d’illustration. Il rappelle que, si un média reprend des informations fournies par d’autres médias, il lui revient de procéder à son propre travail de recoupement et de vérification. Reproduire en tout ou en partie une information qui a été produite et diffusée par un autre média résulte non seulement de choix éditoriaux liés à des activités d’ordre journalistique, comme la sélection de l’information, son agencement, sa titraille, son illustration, etc., mais active également la responsabilité sociale du média envers son public, vis-à-vis duquel il s’engage, comme média d’information, à diffuser une information respectant la déontologie.Indépendamment des responsabilités propres de Brussels Times dans la rédaction et la diffusion de cet article, le CDJ note que Almouwatin, L’Europe info, The Paris Times, Le Député, Le-Tribunal.be et Le Courrier africainne pouvaient ignorer que les informations qu’ils relayaient étaient insuffisamment recoupées ou sourcées, que

le point de vue du plaignant n’avait pas été sollicité, et que des personnes de son entourage immédiat étaient indûment identifiées. Le fait que les fautes déontologiques pointées par le CDJ soient liées à une activité journalistique antérieure à la diffusion des autres médias visés par la plainte ne les exonère pas de leur responsabilité déontologique, d’autant qu’une relecture avant diffusion aurait dû leur permettre de constater les problèmes inhérents à l’article. 10. Le Conseil estime qu’il en va de même concernant le teaser publié sur le site de BXL-Media, qui renvoie à l’article tel que publié sur le site d’Almouwatin, dès lors qu’en incitant son public à consulter celui-ci, le média active de manière identique la responsabilité sociale qu’il a envers lui.Le préambule (responsabilité sociale), les art. 1 (recherche et respect de la vérité / vérification / honnêteté), 3 (omission / déformation d’information), 4 (prudence), 5 (confusion faits-opinion), 22 (droit de réplique) et 24(droits des personnes : identification) du Code de déontologie, ainsi que la Directive sur l’identification des personnes physiques dans les médias (2015) ont été enfreints.Les art. 11 (indépendance) et 13 (concours à des activités de communication non journalistique) ne trouvent pas à s’appliquer. Décision : la plainte est fondée pour l’ensemble des médias pour ce qui concerne le préambule (responsabilité sociale), les art. 1 (recherche et respect de la vérité / vérification / honnêteté), 3 (omission / déformation d’information), 4 (prudence), 5 (confusion faits-opinion), 22 (droit de réplique), 24 (droits des personnes) et 25 (respect de la vie privée) du Code de déontologie, ainsi que la Directive sur l’identification des personnes physiques dans les médias (2015) ; les articles 11 et 13 ne trouvent pas à s’appliquer. Demande de publication : A l’instar de l’engagement pris par les médias membres de l’AADJ, le CDJ invite BXL-Média, ainsi que The Belgium Times, Almouwatin, L’Europe info, The Paris Times, Le Député, Le-Tribunal.be, Le Courrier africain,à publier chacun pendant 48 heures, dans les 7 jours de l’envoi de la décision, le texte suivant sur leur site, en page d’accueil, et à placer sous les articles en ligne, s’ils sont disponibles ou archivés, une référence à la décision et un hyperlien permanents vers celle-ci sur le site du CDJ.Texte pour la page d’accueil du site CDJ – plainte fondée c. les médias de BXL-MédiaBXL-Média, The Belgium Times, Almouwatin, L’Europe info, The Paris Times, Le Député, LeTribunal.be et Le Courrier africain n’ont pas correctement traité et vérifié les informations qu’ils publiaient quant à la culpabilité d’une personne, au risque de servir des intentions sans aucun rapport avec le droit à l’information du public.Le Conseil de déontologie journalistique a constaté ce 25 septembre 2024 qu’un article du site web Belgium Times qui s’intéressait aux raisons motivant l’arrestation de M. Tayeb Benabderrahmane au Qatar pour association de malfaiteurs et intelligence avec un Etat étranger était contraire à la déontologie. Le CDJ a relevé que le journaliste qui avait choisi de défendre la thèse de la culpabilité de l’intéressé, n’avait pas correctement traité, recoupé et sourcé les informations qu’il diffusait, en avait omis d’autres essentielles qui allaient à l’encontre de sa vision du dossier, reprenait à son compte, sans s’en distancier, une série d’affirmations incriminant la personne mise en cause, avançait des insinuations à son propos, confondait son opinion avec les faits. Le CDJ a conclu que le journaliste, ainsi que tous les médias (web) du groupe BXL-Media qui en plus du Belgium Times avaient relayé l’article – Almouwatin, L’Europe info, The Paris Times, Le Député, LeTribunal.be et Le Courrier africain – s’étaient exposés à relayer une information tronquée et des rumeurs non vérifiées, au risque de servir des intentions sans aucun rapport avec le droit à l’information du public.La décision complète du CDJ peut être consultée ici.

Texte à placer sous l’article en ligneLe Conseil de déontologie journalistique a constaté des fautes déontologiques dans cet article. Sa décisionpeut être consultée ici.La composition du CDJ lors de la décision :La décision a été prise par consensus.Il n’y a pas eu de demande de récusation.JournalistesÉditeursThierry CouvreurCatherine AnciauxAlain VaessenDenis PierrardBaptiste HupinHarry GentgesMichel RoyerJean-Pierre JacqminRédacteurs en chefSociété civileNadine LejaerJean-Jacques JespersYves ThiranWajdi KhalifaCaroline CarpentierJean-François VanweldeUlrike PomméeOnt participé à la discussion : Thierry Dupièreux et Ricardo Gutiérrez.

Muriel Hanot Denis Pierrard Secrétaire Générale président

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