Un géant de la plume

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 Par Mouhamadou Moustapha DIA

Fonder « le Soleil » et le faire briller, quoi de plus normal ! Mais le faire sur le papier et dans les esprits pendant près de deux décennies, est un exploit, celui réussi par Bara Diouf qui vient de nous quitter à l’orée de ses 90 ans.
Fine plume, intelligence pétillante, homme de conviction et de courage, le fondateur du quotidien national du Sénégal séduit autant par son talent que par son engagement politique assumé à une époque où l’idéologie marxiste triomphait parmi l’immense majorité des intellectuels sénégalais.
Dans ce contexte hostile, Bara Diouf a non seulement tiré son épingle du jeu mais il a réussi à gagner le respect de ses adversaires les plus intraitables. Par son panache et une ouverture d’esprit remarquable qui finissaient par conquérir tous ses interlocuteurs. Des philosophes de renom comme Stanislas Adotevi et Babacar Sine sont devenus ses amis après avoir été des critiques virulents de son mentor, le président Senghor.
C’est l’extraordinaire aisance de Bara Diouf, plume à la main qui a impressionné Senghor et tous ceux qui ont eu la chance de le voir à l’œuvre. L’éditorialiste du « Soleil » écrit d’une seule traite, sans rature ni reprise. L’écriture chez Bara Diouf est un récital, une magie des doigts rythméspar un flux alimenté par l’esprit et le cœur. D’où les envolées verbales suspendues au fil d’une démonstration rigoureuse qui emporte l’adhésion. L’exercice difficile qui consiste à soutenir une argumentation puissante en quelques lignes, avec humour ou ironie pour désarçonner un adversaire et ruiner ses assertions ou tout simplement défendre une position intellectuelle et/ou politique était un jeu facile pour lui, l’homme de plume toujours inspiré. C’est ainsi que ses éditoriaux étaient devenus des évènements nationaux à la fois médiatiques et politiques .Ses adversaires politiques comme ses camarades de parti tombaient sous le charme de sa maitrise du verbe de la langue de Molière.
Relever le défi de créer un nouvel organe de presse quotidien après « Paris-Dakar » et « Dakar-Matin » n’était pas une mince affaire. Bara et son équipe furent des pionniers audacieux, inventifs, patriotes et persévérants. Avec l’appui sans faille du président Senghor, ils ont réussi à écrire une page glorieuse de l’histoire de la presse post-coloniale sénégalaise et africaine. Car Bara avait recruté au « Soleil »

des ressortissants maliens, béninois, guinéens, malgaches, etc. Il a toujours été un militant du panafricanisme.
Aujourd’hui, malgré les dérives de la presse, tous les Sénégalais et tous les Africains peuvent être fiers de ces hommes et de ces femmes qui ont ouvert la voie à non seulement un domaine où la défense de notre souveraineté nationale et de nos valeurs de civilisation prend une place éminente. Mais où le développement économique se joue aussi comme le démontre actuellement l’espace remarquable occupé par le secteur de la presse dans l’économie sénégalaise notamment en termes de création d’emplois.
Qui pouvait imaginer une telle évolution, il y a quarante cinq ans  lorsque Bara et son équipe faisaient lever « Le Soleil » dans le ciel médiatique ?
Bara Diouf restera le premier de cordée de ces pionniers fabuleux de la presse écrite africaine .Il a ouvert les portes
du «  Soleil » à des jeunes sénégalais, africains et même européens d’horizons divers pour les initier à ce métier exaltant et si exigeant de journaliste.
Le doyen Bara a eu tous les honneurs de son vivant. Il a été convié à la table des rois et des présidents. Il a visité presque tous les pays du monde au cours d’une vie riche et longue qu’il a aimée passionnément. Il a traversé des épreuves comme tout le monde mais a trouvé la force de s’en remettre.
Il peut reposer en paix. Mission accomplie.

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