Professeur associé en sciences politiques et communication Laboratoire LDI- Université de Paris-Seine (Cergy-Pontoise) frederic.treffel@wanadoo.fr
Nous vivons aujourd’hui le temps de l’Afrique. En 1962, au lendemain des indépendances, l’agronome Louis Dumont publiait un ouvrage : « L’Afrique noire est mal partie », dont les années qui suivent allaient lui donner raison. Près de 50 ans après, en 2010, et alors que la première puissance mondiale, les Etats-Unis, ont élu pour la première fois un Président noir, deux essayistes pouvaient écrire : « Le temps de l’Afrique ». Cet intervalle illustre le changement considérable de regard du monde sur l’Afrique qui d’afro-pessimiste qu’il était s’est transformé en afro-optimisme. L’Afrique connait depuis le début des années 1990-2000 des bouleversements idéologiques, politiques et culturels qui ont conduits à l’âge à maturité des démocraties, des régimes pluralistes, l’expansion de la liberté d’expression et de la liberté de la presse. Par ailleurs, l’Afrique, longtemps tenue à l’écart de la mondialisation, connait depuis plus de vingt ans une croissance forte et régulière qui se situe à une moyenne annuelle de 5% à 6%. La planète entière se précipite aujourd’hui pour financer la croissance africaine : la Chine, les Etats-Unis, le Japon, l’Inde sans oublier bien évidemment l’Europe qui souhaite créer un espace vertical « EuropeAfrique » à l’image d’un « quartier d’orange ». Enfin et surtout l’Afrique noire est la région la plus jeune du monde. 65% de sa population, soit près des deux tiers, a moins de 25ans, comparativement à un taux qui n’est plus que de 30% dans les pays européens.
LA JEUNESSE AFRICAINE : PREMIER DES DÉFIS À RELEVER
L’heure est enfin venue pour une nouvelle image de l’Afrique forte essentiellement de ses nouvelles générations car l’avenir de l’Afrique git essentiellement dans sa jeunesse et ses enfants. Par son énergie, sa vitalité, son adaptabilité, l’Afrique rappelle sa liberté fondamentale à inventer ses propres voies de développement économique, social et politique dans un monde mondialisé. Par ses traditions, sa créativité, son attachement aux valeurs immatérielles et relationnelles, elle apparait comme ce symbole de la diversité pour lequel le combat est plus que jamais actuel. La jeunesse africaine est devenue aujourd’hui le plus grand défi que l’Afrique doit relever. La démographie est l’une des rares sciences humaines qui ne se trompe pas, à la différence des sciences économiques, des sciences politiques, de la sociologie, de l’ethnologie, de la psychologie, de l’anthropologie …..Aujourd’hui, le continent africain compte huit cent cinquante millions d’habitants, en 2050 nous en compterons deux milliards et en 2100 quatre milliards. En 2050, un habitant sur quatre et en 2100, quatre habitants sur dix de la planète sera africain. Cette explosion démographique sans précédent dans l’histoire de l’humanité doit nous rendre conscient des potentialités extraordinaires de la jeunesse africaine et représente un formidable vecteur de croissance, de prospérité à condition que nous trouvions des solutions pour faire face aux défis de formation et d’emplois mais aussi de santé et de développement économique et social. C’est un potentiel gigantesque qui peut être aussi une menace considérable si cette jeunesse n’a d’autre horizon que l’embrigadement ou l’endoctrinement radical.
LA FRANCOPHONIE ÉCONOMIQUE ET NUMÉRIQUE: UNE COMMUNAUTÉ DE RICHESSES ET D’INTÉRÊTS
Le prochain Sommet de la Francophonie, après celui qui s’esttenu à Dakar en 2014, se tiendra à Madagascar en novembre 2016 et portera surle thème : « Croissance partagée et développement responsable ». Comme l’aindiqué récemment Mme Mikaëlle Jean, Secrétaire générale de l’Organisationinternationale de la Francophonie, nous devons contribuer à faire émerger unenouvelle francophonie qui ne soit plus fondée uniquement sur la langue maisaussi sur l’économie et le numérique. La francophonie, telle que SENGHORl’avait conçu, visait à assurer une « communauté de langue » entre les pays quiavaient le français en partage. Mais il parlait aussi de « Commonwealth à lafrançaise » qui est une expression anglo-saxonne qui signifie « communauté derichesses » ou « communauté d’intérêts». Aujourd’hui nous vivons dans l’ère del’économie, et non plus sous la domination du politique. Nous avons à opérer lepassage de la francophonie linguistique et politique à la francophonieéconomique et numérique pour assurer l’insertion de l’Afrique dans l’économiemondiale. 85% des jeunes qui habitent en Afrique noire n’ont pas connu lacolonisation et 50% n’ont pas connu l’affrontement entre le bloc de l’Est et lebloc de l’Ouest. Nous ne sommes plus au temps de des «guerres coloniales », nide la « Guerre froide », nous vivons le temps de la concurrence des économies,nous vivons le temps de la compétition entre les entreprises mondiales. Commele dit Barak Obama : « Avec des centaines de millions de téléphones mobiles etun accès croissant à Internet, les Africains ont le potentiel pour passer d’unbond des vieilles technologies vers une prospérité nouvelle ». L’énergie, lacapacité d’innovation et les aspirations de la jeunesse sont un capitalqu’aucune société, et nulle autre plus qu’en Afrique, ne peut se permettre dedilapider. Grâce à leur inventivité et leur imagination, les jeunes jouent, dèsmaintenant, un rôle important de catalyseur dans nombre de domaines, tels ledéveloppement communautaire, la création culturelle, les technologiesd’information et de communication, l’innovation économique et sociale. Ilsdémontrent, un peu partout leur détermination et leur capacité à être desagents du changement et des acteurs à part entière. Pour relever le défi de lajeunesse africaine, il convient plus que jamais de donner une expressionconcrète à la reconnaissance de cette jeunesse, en termes d’éducation, deformation, d’emploi, de qualifications et d’apprentissage, pour ledéveloppement d’une Afrique au service de la paix et de la prospérité.
La planète entière se précipiteaujourd’hui pour financer la croissanceafricaine : la Chine, les Etats-Unis, leJapon, l’Inde sans oublier bienévidemment l’Europe qui souhaite créerun espace vertical « Europe-Afrique » àl’image d’un « quartier d’orange ».
La Francophonie, telle que SENGHOR l’avait conçu, visait à assurerune « communauté de langue » entre les pays qui avaientle français en partage. Mais il parlait aussi de « Commonwealthà la française » qui est une expression anglo-saxonne qui signifie« communauté de richesses » ou « communauté d’intérêts ».