« Le Mémorial de Gorée sera à la fois, un lieu de mémoire et un phare d’espérance »

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Le projet du Mémorial de Gorée est sorti d’une longue léthargie avec la volonté affichée par le président Macky Sall, de le relancer après une relégation de plus de douze ans dans les tiroirs du ministère de la culture. Un décret présidentiel en mars 2014 nomme le poète Amadou Lamine Sall, jusque là Commissaire du Mémorial, au titre de Secrétaire général de la Fondation pour le Mémorial et la Sauvegarde de Gorée. C’est un acte fort vers la réalisation de ce projet commémoratif de la tragédie de la traite négrière auquel le Sénégal tient beaucoup et qui intéresse également la diaspora et le monde entier. En septembre 2019, un contrat de réalisation du Mémorial de Gorée est signé entre le ministre de la Culture et de la Communication Abdoulaye Diop et l’architecte italien Ottavio Di Blasi, lauréat depuis 1997, du concours international d’architecture pour le Mémorial de Gorée. L’heure de la relance du grandiose projet a bien sonné. Le Commissaire Amadou Lamine Sall nous apporte quelques éclairages sur ce passionnant projet qui aura une dimension universelle.


Le projet du Mémorial de Gorée est sorti d’une longue léthargie avec la volonté affichée par le président Macky Sall, de le relancer après une relégation de plus de douze ans. Le décret présidentiel de mars 2014 vous nomme Secrétaire général de la Fondation Gorée, un acte fort vers la réalisation de ce projet cher au Sénégal, à la diaspora et au monde. En septembre 2019, un contrat de réalisation du Mémorial de Gorée est signé entre le ministre de la Culture et de la Communication Abdoulaye Diop et l’architecte italien Ottavio Di Blasi, lauréat depuis 1997, du concours international d’architecture pour le Mémorial de Gorée. Quelles vont être les implications directes de cette signature de contrat  avec l’architecte Ottavio Di Blasi ?

Vous semblez bien connaître le projet du Mémorial de Gorée. Vous êtes même allé dans vos recherches jusqu’à dénicher le décret présidentiel qui m’a nommé. J’apprécie votre travail de fouille. Il devient rare. Alors, pour faire court er répondre à votre question, les implications directes de la signature par l’État, c’est à dire par le ministre de la Culture et de la Communication, Monsieur Abdoulaye Diop, un ministre que j’apprécie particulièrement par son efficacité redoutable et son incroyable ouverture d’esprit, c’est que l’avant dernière haie est franchie. Le projet du Mémorial de Gorée, et j’ajoute « Almadies » pour honorer l’esprit premier du projet située sur la pointe la plus avancée vers l’Amérique, est maintenant bien en route. La volonté politique qui lui manquait a fait mouche. Il reste que dans peu de mois, l’architecte Ottavio Di Blasi reviendra à Dakar pour présenter à Monsieur le président de la République les plans finaux de projet et le coût définitif du projet pour lancer le chantier. Le Président Macky Sall veut le démarrage du chantier dès 2020. Nous saluons son engagement admirable pour un projet longtemps délaissé et voué à la mort. Nous avons tenu. Nous avons espéré et avec nous toute la diaspora noire à travers le monde. Nous applaudissons des dix mains la volonté politique du Président. L’histoire le retiendra

. Avez-vous une idée plus précise du démarrage et de la durée des travaux de ce projet que l’on peut qualifier de «  pharaonique » ?

Pharaonique, dites-vous ? Oh que non ! Mais projet prodigieux et révolutionnaire ! Projet unique de mémoire et de réhabilitation de la race noire. Vous devez le savoir : Dakar va fermer le triangle après l’édification et l’inauguration des projets de Mémorial comme celui de la Guadeloupe, dans les Caraïbes et celui de New-York en Amérique. Il restait l’Afrique. Le Sénégal y répond enfin et en y répondant c’est toute l’Afrique qui répond. Ce projet de mémoire contre l’oubli est irremplaçable. Oui, le complexe du monument du Mémorial, de par sa géographie, sa stature, son esthétique, ses volumes, sa renommée mondiale, va bouleverser le paysage et donner un nouveau visage à notre capitale. Ce qui est joliment appelé « l’oeil de Gorée » sera désormais et pour longtemps le point focal de Dakar, comme l’est la Tour Eiffel pour la ville de Paris. Il sera le phare. Avec son musée sur l’esclavage, son esplanade géante donnant sur la mer et ouvrant sur toutes sortes de manifestations culturelles et artistiques, sa bibliothèque, ses multiples salles polyvalentes pour les arts et la culture, sa salle de cinéma, son planétarium, sa salle de conférence, son balcon aérien culminant à 75 mètres d’altitude au dessus de la ville que deux ascenseurs panoramiques de part et d’autre desservent, ses restaurants, ses cafés, son parc paysager, ses jardins, son pont aérien qui enjambe l’Avenue Martin Luther King pour le relier à la médina, ses parkings, et ce must qui change tout : le nouvel embarcadère de Gorée et de l’île des Madeleines implanté sur la corniche. Quand le Président Sall a reçu et discuté avec l’architecte lors d’une audience à Paris, il avait recommandé que deux chaloupes partent de l’embarcadère sur la corniche pour desservir à la fois Gorée et l’île des Madeleines que les Sénégalais doivent apprendre à visiter. Voila la carte postale culturelle, touristique, économique du Mémorial de Gorée. Elle change tout ! Désormais, le Sénégal et Dakar sur tous les sites du monde seront reconnus par cette audacieuse oeuvre architecturale. Au-delà de l’oeuvre qui célèbre le recueillement et le pardon, ce complexe va générer dans sa phase de construction comme à son achèvement, des emplois fort subséquents, sans compter les plus values financières qu’il va générer par le rush touristique qu’il va engendrer. Des approches statistiques et des projections chiffrées laissent dire que le complexe du Mémorial de Gorée va générer entre 2 à 3 milliards de FCFA par an, durant les premières années avec un flux touristique de près de 800 milles personnes. Le Mémorial de Gorée est un pro jet international transversal et multidimensionnel prêt à être un futur Site de Conscience universelle. Le Mémorial de Gorée est un outil qui travaille contre l’oubli de la tragédie de l’esclavage et qui œuvre pour la réconciliation entre les peuples. Il constitue un projet d’infrastructure historique, au regard de son envergure touchant à l’économie, à l’économie créative, au marché du tourisme et à celui des biens et services culturels. Ne jamais oublier que la construction du complexe du Mémorial de Gorée est bien sûr liée à la sauvegarde de l’île de Gorée, symbole d’une mémoire commune qui tient en éveil la douloureuse histoire de la traite négrière. Gorée est devenue fragile dans un environnement rendu de plus en plus difficile par le réchauffement climatique et une redoutable érosion qui s’accélère d’année en année. Le complexe du Mémorial de Gorée, dans ses missions et ses objectifs, veillera au développement et à la sauvegarde de l’île de Gorée. Il sera, en premier, un lieu de recueillement et de souvenir mais aussi un centre de communication, d’activités artistiques et esthétiques, d’éveil scientifique et technologique. Il sera un lieu de socialisation avec le sentiment d’appartenance à une communauté noire forte, soudée, solidaire et ouverte sur le monde. Le Mémorial de Gorée ne sera pas seulement un monument commémoratif, mais un puissant instrument de promotion et de renaissance culturelle de l’Afrique. Il sera un laboratoire de la coopération internationale pour la cause des droits de l’homme. Il s’agira de resserrer les liens entre les noirs d’Afrique et ceux de leurs frères de la diaspora, renforçant ainsi l’identité culturelle des peuples noirs. Le Mémorial de Gorée développera la recherche et la réflexion entre toutes les communautés internationales et combattra les préjugés de race et de culture.

Réaliser et exploiter le projet du Mémorial de Gorée est l’une des missions fondamentales de la Fondation Gorée, dans cet objectif quel est son agenda d’activités ?

Oui, la Fondation mondiale du Mémorial et de la Sauvegarde de Gorée a été créée par décret présidentiel. C’est une Fondation d’utilité publique. Ses missions sont d’abord de réaliser le projet du Mémorial de Gorée-Almadies et de veiller au développement de l’île de Gorée au sens large. C’est une Fondation qui couvre le monde et qui est apte à servir là où les institutions de la République ont du mal à accéder. Elle se charge actuellement de travailler sur des levés de fonds au niveau international après l’historique intervention du Président Sall à la tribune des Nations Unies au mois de septembre 2019 dernier. Un appel aux États membres de l’Onu et à tous ceux qui voudraient de près où de loin prendre part à cette œuvre de mémoire universelle. Elle est dotée d’un Conseil d’Administration, d’un Président et d’un Secrétaire Général. Son siège est sur l’île de Gorée.

Plusieurs partenaires et institutions telles que l’Unesco s’impliquent dans la réalisation du projet du Mémorial de Gorée, comment s’explique cette participation ?

Elle s’explique fort aisément. Dès le début de ce projet international dans les années 80, l’Unesco s’est impliquée. Elle a toujours été là. C’est son rôle. Ce projet de mémoire s’inscrit dans ses missions naturelles. Elle nous a toujours apporté son soutien, malgré les difficultés qu’elle traverse et qui ont freiné son formidable travail d’accompagnement et de veille. Je lui rends ici le plus profond des hommages. Mais il n’y a pas que l’Unesco. D’autres institutions très fortes comme l’Onu, l’Union Africaine, l’ISESCO, l’OIF, les ACP, lui ont apporté leur soutien. Pour dire que le projet du mémorial de Gorée-Almadies est un projet d’envergure mondiale dont les impacts sont retentissants. Voilà pour quoi on doit du respect pour ce projet. Ne pas le respecter c’est trahir l’esprit de générosité et de reconquête de notre identité culturelle souffrante.

La Fondation Gorée a lancé une levée internationale de fonds en 2015, quelle somme cherchez vous, si l’on considère que les coûts de 1997 ont été revus à la hausse avec l’inflation économique ?

Ce qui fait la force et l’originalité du projet du mémorial de Gorée-Almadies, c’est qu’il est à la fois un projet culturel, économique et social. Dans sa phase de construction comme à son achèvement, il générera un grand nombre d’emplois. Près de 800 mille touristes sont attendus durant la première année de son inauguration.

Ce projet gigantesque, par ses objectifs socio-culturels et humanitaires, l’est aussi du point de vue de son architecture. Des réaménagements seront apportés sur le plan de 1997. Par exemple l’architecte Ottavio Di Blasi a parlé d’un réajustement de la hauteur du monument qui était prévu à 135m et sera finalement à 105m, est ce que d’autres ajustements et aménagements sont prévus actuellement ?

Je ne sais pas où vous êtes allé chercher cette information de levée de fonds depuis 2015. Elle a été une volonté, une démarche active mais elle n’a pris une véritable dimension concrète qu’en cette année 2019 avec l’appui admirable de notre représentation diplomatique aux États Unis. La somme que nous cherchons est celle qui construira le projet. Nous attendons de la connaître sous peu de mois avec la finition des plans de travaux de l’architecte, comme indiqué plus haut. Forcément, les coûts de 1997 ne seront pas ceux de 2019. C’est l’évidence même. Rien n’a été revu à la hausse. Tout a été plutôt revu à la baisse afin d’aller plus vite et de réaliser ce projet. En retirant le projet de l’eau pour le poser sur la terre, nous avons considérablement réduit les coûts. Tout ce qui se construit dans l’eau a des coûts. Il reste cependant que le projet du Mémorial flirtera toujours avec l’eau, avec la mer. Le plus fort symbole est là ! La mer, toujours la mer !

Bravo pour votre suivi ! Vous honorez la profession en allant au fond au lieu de surfer sur le superficiel. Oui, des réaménagements ont été apportés, toujours dans cette perspective d’aller vite. Cependant, les réaménagements sont de nature très sommaires. Ils n’affectent pas, en vérité, le cœur du projet, c’est à dire sa forte symbolique. Relisez plus haut les contenus et vous verrez que tout y est ou presque. Saluons de nouveau cette volonté politique admirable qui a sorti le projet de Mémorial de Gorée-Almadies non seulement de sa très longue nuit, mais également de cette triste et inexplicable adversité qui l’a accompagnée toujours. Nous connaissons ceux qui ont incarné cette malédiction. Nous les laissons dans les torsions de leur conscience. Nous, nous avançons. Nous, nous avons pardonné, car il faut avancer et il faut savoir aller à l’essentiel. Le président de la République Macky Sall en prenant personnellement ce projet en main, a guéri nos peines de près de 30 ans. Rien ne se réalise sans volonté politique. Depuis des siècles, ce sont les princes qui, dans l’histoire du monde, assument la fondation de telles grandes œuvres architecturales. Elles seules savent les faire entrer dans la postérité. La culture est fondamentale. Elle est garante de l’histoire. Pas l’économie.

Le Mémorial de Gorée sera un haut lieu touristique, culturel et spirituel, que disent les études sur son impact économique et social ?

J’en ai parlé un peu plus haut. Ce qui fait la force et l’originalité du projet du mémorial de Gorée-Almadies, c’est qu’il est à la fois un projet culturel, économique et social. Dans sa phase de construction comme à son achèvement, il générera un grand nombre d’emplois. Près de 800 mille touristes sont attendus durant la première année de son inauguration. Il générera des plus values énormes. Il changera le visage de la capitale sénégalaise et en fera un rendez-vous mondial. C’est un projet qui intègre les nouveaux marchés du digital. C’est un laboratoire international pour les droits de l’homme. Son nouvel embarcadère situé sur la corniche ouest et ouvert sur Gorée et l’île des Madeleines par deux chaloupes comme l’a souhaité le Président Macky Sall, reste un atout certain. La nouvelle carte culturelle et touristique est admirablement dessinée par le complexe du Mémorial GoréeAlmadies.

Plus qu’un hommage, vous défendez une idée d’universalité lorsque vous dites que le « Mémorial de Gorée est un trésor de l’humanité ». Le président Macky Sall dans la même perspective souligne « l’importance de la coexistence pacifique des peuples », lors de la 74e session des Nations Unies et donne en exemple « le symbole fort du Mémorial de Gorée ». Alors, le Mémorial de Gorée sera –t-il comme un phare d’espérance pour le monde aujourd’hui ?

Oui, c’est bien le mot : un phare d’espérance ! Quelque chose de grand se lève

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