M. PAPA MAHAWA DIOUF, D.G DE L’AGENCE SENEGALAISE DE PROMOTION TOURISTIQUE (ASPT) « La relance du tourisme se fera d’abord autour des marchés de proximité »

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La pandémie du coronavirus met à l’agonie l’industrie du tourisme dans le monde entier. Le Sénégal où le tourisme est une des principales mamelles de l’économie nationale, va être durement touché, s’il ne l’est déjà ? Etes -vous en mesure d’estimer quelle sera l’ampleur des dégâts ?

La réalité aujourd’hui est que la propagation de la Covid-19 a entrainé de graves perturbations dans le secteur des voyages à l’échelle mondiale. Dans ce contexte, c’est naturellement que l’activité touristique paie au prix fort cette situation. D’ailleurs, l’Organisation mondiale du Tourisme (OMT) a reconsidéré ses prévisions de croissance positive d’avant crise (entre 3 % et 4 % ), et table désormais sur une évolution négative de -1 % à -3 %, pour l’année 2020, en termes d’arrivées de touristes internationaux. C’est dire que la crise est à la fois globale et très sérieuse. Au Sénégal, à l’instar de la plupart des pays, l’heure est à la gestion de la crise et tous les départements techniques de l’Etat y travaillent de façon synergique. Pour ce qui concerne le secteur du tourisme, le ministère a mis en place un dispositif de veille et d’évaluation qui surveille en permanence la situation avec les parties prenantes. Ceci étant dit, et même s’il est encore prématuré de dresser un bilan exhaustif de la situation, les pertes de recettes dans le secteur de l’hôtellerie de la restauration et des agences de voyages sont estimés à plus de 200 milliards si la crise se poursuivait jusqu’au troisième trimestre 2020 ; avec notamment des conséquences inestimables sur la croissance et sur l’activité. Mais ce scénario va être considérablement atténué grâce aux interventions combinées de l’Etat. Le Président de la République a pris

des mesures de soutien très fortes pour préserver l’emploi et soutenir les entreprises.

Le ministre du tourisme et des transports aériens, Alioune Sarr a déclaré, dans les médias, qu’une stratégie de promotion touristique offensive allait être déployée dans le contexte post-covid 19. Cette stratégie est-elle déjà ficelée ? Si oui, quels en sont les axes majeurs ?

C’est vrai, le ministère du tourisme et des transports aériens s’est doté d’un plan de développement stratégique 20-25 autour de 05 axes majeurs : la redynamisation du patrimoine, le développement du tourisme d’expérience, le Marketing et la vente de la destination, l’axe du renforcement des capacité Institutionnel, et le renforcement des infrastructure. Dans cette stratégie, l’axe du marketing et de la promotion est pris en charge par l’ASPT. Voilà pourquoi, l’agence a lancé le processus de définition d’une stratégie de promotion 20-25. Celle-ci devra nous doter d’une vision claire et cohérente, avec des objectifs « smart » et des actions efficaces à mettre en œuvre dans une approche à la fois systémique et réaliste. La stratégie de l’ASPT prendra en charge entre autre, la conceptualisation de l’image de marque de la « Destination Sénégal », la Promotion de l’offre touristique avec des produits mieux labélisés avec un ciblage plus affiné. Il faudra forcément l’intégration massive du digital dans le marketing, avec une politique plus ambitieuses en matière de données et d’informations dans le secteur, au niveau national comme sur les marchés dits émetteurs. Mais s’il faut prendre en charge la stratégie sur le long terme, il est tout aussi indispensable de faire face à l’urgence. C’est vrai, l’expérience a démontré la capacité du secteur à rebondir rapidement et avec force après les chocs. Mais, il ne faut pas s’y tromper, c’est pendant la crise et au cœur de la crise qu’il faut se préparer. Et il y aura un après-COVID19 ! Il faut d’ailleurs se rendre compte que cette pandémie affecte des pays comme la France, l’Italie, l’Espagne, et la Belgique qui constituent les quatre principaux marchés sources de touristes du Sénégal. C’est pourquoi, l’agence a redéfinit son approche vers plus de promotion Interne et sous régionale. Nous allons lancer une vaste campagne de promotion des sites touristiques auprès de nos compatriotes, des résidents et des expatriés. Il s’agira également de mettre en place des instruments de facilitation pour accroître la fréquentation des sites touristique par les sénégalais. De cette même manière, nous comptons lancer une vaste campagne de promotion de l’offre de la « Destination Sénégal » dans la sous-région ouest africaine en ppartenariat avec Air Sénégal pour rehausser l’image de marque de notre pays et renforcer l’attractivité de la destination dans la sous-région. Et dores et déjà, nous lançons le concept «Achetez maintenant, Consommer plus tard… » ! Il s’agit de stimuler la demande en encourageant les institutions, les comités d’entreprise à soutenir l’industrie touristique en achetant, pendant la période de crise du Covid-19, des bons d’achat dans des hôtels, des restaurants, des parcs, des sites de loisirs, valables jusqu’à la fin de l’année. Une façon de soutenir l’activité au cœur de la crise. Nos équipes techniques surveillent et analysent les comportements des marchés afin de permettre à la destination de mieux adapter ses stratégies post crise. Il y aura de toute évidence une profonde reconfiguration des comportements de voyage et de consommation touristique. Et aucune destination ne dispose aujourd’hui de plan de relance achevé. Toutefois, tous les observateurs avisés s’accordent à dire que la relance se fera d’abord autour des marchés de proximité.

Pour l’heure, l’état d’urgence et le couvre -feu instaurés par le gouvernement, ont mis à l’arrêt le transport aérien, les réceptifs hôteliers, les restaurants, les boîtes de nuit, les cinémas, les théâtres etc. Des milliers de travailleurs sont en chômage technique et l’inquiétude gagne les ménages. Quelle est votre appréciation ?

La pandémie du COVID-19 touche tous les secteurs d’activités. Mais elle touche tout particulièrement l’industrie du voyage, de l’hôtellerie, de la restauration et plus généralement le tourisme. Un secteur à forte intensité de main-d’œuvre, avec des risques élevés de perte d’emplois sur toute la chaîne de valeur de l’industrie du tourisme et du loisir. Dans ce contexte, le risque de contamination à large échelle, a entrainé la fermeture des frontières aériennes puis terrestres et l’interdiction des grands rassemblements entre autres, comme mesures de riposte face à la pandémie. A ce sujet, il faut saluer le plan de résilience gouvernemental qui intègre parfaitement la protection sociale des couches les plus vulnérables ainsi que la sauvegarde des emplois. En atteste, l’ordonnance prise par le Président de la République Macky Sall qui vise, dans les limites de la durée de la loi d’habilitation, d’une part, à interdire le recours au licenciement et, d’autre part, à garantir un revenu minimal au travailleur mis en chômage technique.

Dans les grands pays comme la France ou les USA (qui sont des pays de tourisme par excellence), les packages pour stimuler l’économie font une place privilégiée au secteur touristique, au sens large. Qu’en -est-il du Sénégal avec les mille (1000) milliards annoncés par le président de la République, Macky Sall, pour soutenir l’économie nationale ?

Avec la généralisation de la pandémie COVID 2019, c’est la résilience de toutes les économies du monde qui est mise à rude épreuve. Et celles de nos pays africains si fragiles ne sont pas en reste ! Toujours est-il que la priorité pour l’Etat du Sénégal est de renforcer les systèmes de santé pour stopper la pandémie, préserver les chaînes d’approvisionnement énergétiques, sanitaires et alimentaires, de protection sociale (programme d’aide aux ménages à travers la distribution de denrées alimentaires) ainsi que de mesures incitatives, notamment fiscales et budgétaires de protection des entreprises et de sauvegarde des empois. Il faut rappeler que la Force COVID19 (doté d’un montant de 1000 milliards de FCFA) est justement destinée à soutenir le plan de résilience global, dans lequel, les intérêts du secteur du tourisme seront pris en charge à tous les niveaux. Les autorités ont dans le cadre du programme de résilience économique et sociale et notamment pour assurer la stabilité macroéconomique et financière. Le tourisme était déjà très mal en point : réceptifs obsolètes, manque d’investissements, trop grande dépendance vis à vis du balnéaire, concentration sur Saly etc.

Je reste convaincu que le Sénégal continue de demeurer une destination importante dans la carte touristique mondiale, et notamment en Afrique subsaharienne.



Le tourisme était déjà très mal en point : réceptifs obsolètes, manque d’investissements, trop grande dépendance vis à vis du balnéaire, concentration sur Saly etc. Je reste convaincu que le Sénégal continue de demeurer une destination importante dans la carte touristique mondiale, et notamment en Afrique subsaharienne. Le coronavirus ne risque-t-il pas de lui porter un coup fatal ?

Le Plan Sénégal Émergent (PSE) a érigé le secteur du tourisme comme un des moteurs essentiel de croissance. A ce titre, le premier plan quinquennal du PSE à promouvoir a consisté en des investissements publics majeurs. Il s’agissait notamment de doter notre pays d’un aéroport de dernière génération, d’un pavillon national performant pour soutenir la destination, mais également de renforcer le niveau le pays en réceptifs en favorisant l’investissement. L’objectif affiché dans le cadre de la Phase 2 du PSE étant d’impulser une dynamique économique plus solide et plus durable, tirée par l’investissement privé. Dans cette dynamique, le Projet de Développement du Tourisme et des Entreprises (PDTE) cofinancé par le gouvernement du Sénégal et la Banque Mondiale, est venu consolider cette ambition gouvernementale de développer une offre touristique diversifiée et de mettre à niveau les entreprises du secteur. Les investissements réalisés récemment, dans le cadre de ce projet, ont permis de pré server la viabilité de l’activité touristique dans la station de Saly, grâce à la mise en œuvre du programme de récupération des plages et de ré ensablement des zones impactées par l’érosion côtière. En outre, le Ministère du tourisme et des Transports Aériens (MTTA), avec ses services internes, dont la SAPCO et l’ASPT travaillent en étroite collaboration avec les membres du privé touristique national pour l’identification et la prise en charge des besoins du secteur dans le cadre du plan de résilience du secteur du tourisme et des Transports Aériens.

La promotion touristique a été comme le maillon faible du tourisme sénégalais car elle était comme « déléguée » aux tours operator étrangers. Des pays comme le Maroc et la Tunisie étaient beaucoup plus présents dans ce domaine en France, par exemple, un marché que le Sénégal partage avec eux, avec des atouts qui semblent n’avoir pas été exploités au mieux. Qu’en pensez-vous ?

Je reste convaincu que le Sénégal continue de demeurer une destination importante dans la carte touristique mondiale, et notamment en Afrique subsaharienne. Vous faites sans doute allusion à la période consécutive à la fermeture de la défunte Agence Nationale de Promotion Touristique (ANPT). Encore qu’il faut relativiser à ce niveau ! Il faut se rappeler que suite à la disparition de l’ANPT, un comité bipartite (Etat/secteur privé) de gestion du fonds de promotion touristique a été mis en place pour assurer la continuité de la promotion de la destination Sénégal. Dans le but de compléter le dispositif de gouvernance institutionnel, il a été créé en 2014, l’Agence Sénégalaise de promotion Touristique (ASPT) qui, s’est évertuée à repositionner la Destination Sénégal sur la carte touristique mondiale. Cependant, pour ce qui concerne les destinations du Maghreb dont vous faites référence, je voudrais juste préciser, que nous ne considérons pas ces pays comme destinations concurrentes ; car nous n’avons pas les mêmes positions géographiques, ne poursuivons pas les mêmes objectifs, ni ne possédons les mêmes types de produits. Nous

Nous allons lancer une vaste campagne de promotion des sites touristiques auprès de nos compatriotes, des résidents et des expatriés. Il s’agira également de mettre en place des instruments de facilitation pour accroître la fréquentation des sites touristique par les sénégalais.

avons nos valeurs propres et réalités spécifiques et travaillons sur des segments de marchés et de cibles différents. Par contre, ce qu’il faut souhaiter c’est que notre plaidoyer soit entendu et que le budget alloué à la promotion touristique puisse être conforme aux normes du minima de 3% des recettes touristiques globales du secteur à allouer à la promotion des destinations, tel que recommandé par l’OMT. Cela dit je vous concède qu’il y a de profondes transformations à faire en matière de promotion afin de mieux diversifier et mieux labéliser l’offre, d’affiner davantage le ciblage avec notamment l’apport du digitale dans la stratégie mais également en diversifiant davantage les marchés émetteurs.

Les Etats-Unis sont un autre marché où le Sénégal peut gagner des parts remarquables avec le symbole que représente l’Ile de Gorée, mais aussi l’attractivité de la culture sénégalaise. Mais peu d’efforts semblent avoir été fournis dans ce sens. Envisagez-vous d’aller à la reconquête de cet immense marché ?

Si oui, avec quelle stratégie ? Oui. Absolument ! En effet, l’offre touristique sénégalaise est riche et variée et le marché des Etats-Unis renferme un potentiel de développement considérable pour la destination Sénégal, et notamment pour ce qui concerne le tourisme de patrimoine et de mémoire. Nous souhaitons consacrer beaucoup d’efforts afin d’explorer le marché afro-américain et de reconquérir ce tourisme de mémoire et notamment, autour de l’île de goréé. Il s’agira de rencontrer les agences nord américaines spécialistes de l’offre de mémoire, mais également encourager le développement d’une nouvelle offre ambitieuse dans ce segment pour notre pays. Ce plan intègre bien un programme global de promotion du patrimoine national : des sites classés Patrimoine mondial de l’UNESCO ainsi que des lieux de mémoire comme Gorée. Par ailleurs, l’agence est entrain de finaliser un plan marketing global avec notre partenaire Air Sénégal à la faveur de son programme de desserte internationale, dont l’ouverture prochaine de la ligne Dakar-New york. Mais est-il encore besoin de le préciser ? En cette période d’incertitude, toute stratégie reste conditionnelle et ne sera validée qu’en fonction du comportement de chaque marché post crise Covid-19.

Tourisme et industrie du spectacle doivent faire bon ménage ; il y a aussi le secteur éducatif et culturel au sens large, sans oublier l’écologie qui est un domaine en pleine expansion. Le Sénégal a des offres uniques sur le marché mondial qui font la fierté de toute l’Afrique et que le reste du monde découvre avec admiration depuis le festival mondial des arts nègres de 1966, la Biennale de Dakar lancée en 1990, le festival de jazz de Saint-Louis etc. Comptez-vous investir ce créneau ?

Absolument ! Vous savez, le Sénégal a toujours évoqué une certaine idée du monde. Nous sommes la première démocratie du continent, nous sommes le pays du festival mondial des arts nègres, le pays de la biennale de Dakar. Nous sommes aussi le pays de Léopold Senghor et de Cheikh Anta DIOP. Combien de d’africains et d’afro-américains seraient prêts à visiter notre pays pour s’incliner devant leurs mémoires à Bel-Air ou à Thiaytou ? Oui, le tourisme et la culture entretiennent une relation très symbiotique et mutuellement avantageuse. La culture est un élément qui fait partie du caractère unique et de l’attrait de la destination Sénégal dans le renforcement de notre compétitivité. A cet égard, la promotion touristique a de tout temps accompagné les évènements à caractère touristique, culturel, sportifsou récréatif, pour contribuer à l’animation de la saison touristique. C’est aussi là tout le sens du partenariat que nous sommes en train d’engager le comité d’organisation des JOJ 2022. Plus généralement, notre stratégie en matière de promotion d’évènements au Sénégal s’articulera autour de l’appui et la formalisation de l’organisation à date fixe, d’évènements susceptibles d’enrichir l’offre touristique nationale et de favoriser leur commercialisation par les voyagistes. En outre, l’agenda culturel et touristique nationale que nous élaborons annuellement en parfaite collaboration avec le ministère de la culture est un instrument de valorisation et de promotion de l’offre évènementielle.

Il y a aussi le sport avec ce que l’on peut appeler l’éclosion du football sénégalais depuis 2000 et la coupe du monde au Japon et en Corée du Sud et les exploits de la bande à El Hadj Diouf et, actuellement la saga de Sadio Mané et de nombreux joueurs de la Premier League anglaise, en France et ailleurs. Sans oublier le basket, le beach soccer et la lutte qui est une spécificité sénégalaise. Qu‘en pensez-vous ?

C’est vrai, et je vous parlais plus tôt et fort justement de l’organisation des JOJ prévus en 2022. Retenons que conformément à sa mission, l’ASPT, s’emploie continuellement à accroître le rayonnement international et la connaissance du public national comme international de l’offre touristique sénégalaise. Dans cette dynamique, un programme spécifique est mis en œuvre depuis bientôt trois années maintenant et qui consiste à mettre à contribution des célébrités de divers domaines d’activités comme ambassadeurs culturels de la destination. Une dynamique qui sera pérennisée, encouragée et diversifiée. Dans le cadre de cette stratégie, les disciplines sportives locales mais aussi internationales où le Sénégal excelle sont ciblées comme vecteurs de promotion de la destination. S’agissant des grands rendez-vous internationaux, il me plait de rappeler que le Sénégal devrait accueillir de grands évènements qui très certainement placeront la destination au-devant de la scène internationale et renforceront sa notoriété au niveau mondial. Il s’agit en plus des Jeux Olympiques de la Jeunesse en 2022, du Forum Mondial de l’Eau en 2021. Nous ne parlons jusque là qu’au conditionnel puisque d’autres évènements non moins importants ont été reportés à cause de la pandémie du coronavirus, comme les Jeux Olympiques de Tokyo et l’expo universel de Dubai. Il est donc clair que la priorité numéro une du secteur reste et demeure que le monde vienne à bout de cet ennemi commun et que ces rendez-vous puissent se tenir à date échue.

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