❒ Par Mouhamadou M. DIA
L’équation du contrat signé par l’ancien directeur général de la Senelec, Makhtar Cissé et la société Akilee fait les choux gras des médias sénégalais.
Le débat est souvent biaisé car, posé en termes d’opposition entre personnes. Au vu des sommes en jeu : 186 milliards de FCFA, les questions de personnes s’effacent devant les impératifs, enjeux et responsabilités de gestion des directeurs généraux. C’est dans cette optique qu’il faut analyser les développements actuels d’un dossier qui exige la distanciation de l’esprit critique pour poser un regard aussi objectif que possible, en réduisant autant que faire se peut la passion qui obscurçit le jugement. Une fois ce principe scientifique posé, tout devient simple car, au fond, il s’agit d’un contentieux qui relève du droit civil jusqu’à plus ample informé. La nouvelle direction de la SENELEC a hérité du dossier et, au vu des sommes astronomiques en jeu, à savoir 186 milliards de FCFA et des modalités actées dans le contrat, a décidé de demander une révision -pour préserver les intérêts de la SENELEC et de l’Etat-, dans un premier temps. Face au blocage des gens d’Akilee, elle a opté pour le divorce. Il n’y a là rien de choquant étant donné que cela se passe tous les jours entre partenaires économiques. En fait, c’est la médiatisation politicienne de l’affaire qui chamboule tout. Ainsi, malgré la pandémie du covid 19 qui mobilise tous les médias, l’affaire Senelec/Akilee arrive à truster la UNE des journaux. Evidemment ces derniers ne sont ni neutres ni objectifs, même si, ils révèlent des questions dignes d’intérêt. Et, puis 186 milliards font saliver ! Il est permis cependant d’affirmer, qu’à l’heure actuelle syndicats maison et direction générale de la SENELEC sont sur la même longueur d’onde pour demander la résiliation du contrat. C’est ce qui explique, sans doute, une certaine offensive médiatique particulièrement insidieuse et contreproductive. Car il ne viendrait à l’idée de personne(douée de raison) de croire que le chantage va prospérer. La lucidité devrait aider à voir la réalité e face
: le contrat Akilee ne peut plus être accepté, tel quel, des lors que l’unanimité Dg et syndicats est faite pour son rejet.
La déclaration choc du syndicat unique et démocratique des travailleurs de l’énergie(SUDETEN) est d’une rare pertinence lorsqu’elle s’interroge : « comment Senelec peut-elle accepter de confier, pour une durée de 10 ans, avec un contrat de 186 milliards de FCFA, SENELEC/AKILEE Le contrat de la discorde ❒ Par Mouhamadou M. DIA L’équation du contrat signé par l’ancien directeur général de la Senelec, Makhtar Cissé et la société Akilee fait les choux gras des médias sénégalais. mont défi panafricain mai 2020.qxp_Mise en page 1 18/05/2020 10:02 Page31 32 LE DEFI PANAFRICAIN • BIMESTRIEL D’INFORMATIONS • MAI – JUIN 2020 Spécial Sénégal toute sa stratégie de comptage à Akilee, avec les changements rapides dans le domaine de l’intelligence artificielle (AI) ? « Quelle vision, quelle stratégie, quelle étude sérieuse au plan scientifique, économique et financier a été produite pour justifier l’émission de ce bon de commande de 10 ans à l’ordre d’Akilee, en un temps aussi bref ? » L’argument de la lutte contre les pertes de l’ordre de 17% n’est pas complètement pertinent car, en sus de l’aspect technique, il y a l’urgence de la traque contre les fraudeurs, ceux qui se branchent sur le réseau de manière frauduleuse etc. Et cela relève d’une action rigoureuse de terrain. SUDETEN conclut : « la kryelle de facilités accordées à Akilee, à travers les obligations de SENELEC est tout simplement un scandale qui frise le hold-up : mise à disposition du personnel technique(intallation compteurs et équipements), mise à disposition de l’infrastructure de stockage de données, mobilisation de toutes les ressources requises pour mettre en œuvre les orientations données par Akilee ainsi que leur sécurité et intégrité physique entre autres et le financement des comptages déjà effectués avec PASE, à contrario Akilee se charge de livrer le système, faire la pose des compteurs (par des agents de la SENELEC), mettre un centre de supervision etc. » SUDETEN enfonce le clou : « que dire de l’article 6 (du contrat) qui dit que l’intégralité des plans,documents,logiciels informatiques en ce compris le SIA, ainsi que l’ingénierie et les autres données fournies ou devant être fournies par Akilee, dans le cadre du contrat, devront rester la proprièté d’Akilee. » SUDETEN tranche en demandant : »l’arrêt de cette combine et exhorte les autorités étatiques à suspendre et à ouvrir une enquête pour avoir toutes les informations afférentes à ce contrat avec Akilee pour prendre la bonne décision.» Si on enlève les flambées syndicales de la déclaration, il faut bien avouer qu’elle transpire la cohérence, la logique, le patriotisme d’entreprise et le patriotisme tout court. Le SUTELEC (syndicat unique des travailleurs de l’électricité) a dénoncé le contrat Akilee avec la même vigueur en ciblant : « une nébuleuse » qui fait fi de tous les principes en matière de bonne gouvernance, notamment la transparence ». SUTELEC dénonce le « AKILEEGATE », ce gré à gré qui ne dit pas son nom, signé sur une période de 10 ans à l’encontre des intérêts de la SENELEC qui risque de compromettre tous les efforts déployés jusqu’ici, pour assurer la continuité du service public de l’électricité ». Le SYCAS ( syndicat des cadres de la SENELEC) met en cause la régularité du contrat Akilee et interpelle les organes de contrôle de l’Etat : IGE, OFNAC, Cour des Comptes et ARMP. Pour une fois c’est l’unanimité à la SENELEC contre un contrat qui pose question et qui donc ne peut être imposé à toutes les composantes d’une entreprise. En tout cas, pas dans sa forme actuelle ! On comprend donc pour quoi le nouveau DG Papa Demba Biteye a choisi la voie du divorce, celle du bon sens et de la défense des intérêts de la SENELEC, de ses travailleurs et de l’Etat. Biteye est un ingénieur, c’est à dire un homme de science, doublé d’un gestionnaire rigoureux et d’un patriote-son parcours universitaire et professionnel parle pour lui-qui ne peut accepter des compromis boiteux et donc douteux. Il sait que les actes de gestion qu’il pose ont une portée historique et que seul l’intérêt national doit guider son action. Le débat n’est donc ni subjectif, ni superficiel ; il est de fond, dans une perspective de long terme. Biteye est d’une loyauté totale envers le Président Macky Sall et agit en conséquence. Le slogan : «la patrie avant le parti » s’entend aussi » la patrie avant les considérations personnelles ». La SENELEC appartient au peuple sénégalais. C’est un patrimoine national. Macky Sall l’a redressée de manière spectaculaire et a fait oublier aux sénégalais la période obscure des délestages en cascade qui avait empoisonné leur vie. C’est cette dynamique qu’il faut renforcer et le nouveau DG a les compétences nécessaires et l’engagement patriotique pour relever le défi, avec l’ensemble du personnel.