La signature, le 15 septembre,
de l’accord de normalisation
entre Israël, les EAU (Emirats
arabes unis) et Bahrein à la
Maison Blanche est un geste de
haute portée politique au
Moyen -Orient.
I
l ouvre des perspectives de paix et de
bonne entente commerciale, notam-
ment. C’est tout bénéfice pour les trois
pays signataires, mais aussi pour les Palesti-
niens car Netanyahou qui allait forcer l’an-
nexion d’une partie de la Cisjordanie va devoir
surseoir à cet acte belliqueux qui aurait pu
rallumer la flamme de confrontations vio-
lentes dans la région.
Les cris d’orfraie des partisans du boycott
d’Israël et de l’affrontement perpétuel qui
refusent de voir la réalité en face : trois guerres
contre l’Etat hébreux se sont soldées par des
échecs et la supériorité militaire des israéliens
n’a cessé de se renforcer, sont de circons-
tance.
Dans cette partie du monde, seul Israél dis-
pose d’armes nucléaires qui sont un secret
de Polichinelle et une réalité terrifiante, tout
à la fois. Israél fait de sa sécurité la pierre an-
gulaire de sa politique. A juste raison !
Mais il a besoin d’avoir des relations pacifiées
avec ses voisins pour développer ses affaires,
dans tous les domaines qui sont bloquées
par le manque de « normalisation » et même
l’hostilité de ses voisins immédiats.
Il est vrai aussi que l’actuel premier ministre
Benjamin Netanyahou n’a rien fait, jusqu’ici,
pour promouvoir la paix avec les Palestiniens.
Il a utilisé ce conflit comme un moyen poli-
ticien pour mobiliser sa base ultraconserva-
trice et battre des records de longévité au
pouvoir.
Même si, sa popularité n’a cessé de s’effriter
et qu’actuellement il est en sursis politique
car il doit céder le poste de premier ministre
dans 18 mois à Benny Gantz (avec qui il a fait
un deal).
Il y a surtout ses démêlées judiciaires qui ris-
quent de lui porter un coup terrible.
C’est dans ce contexte qu’il s’engage à faire
la paix, ou, à tout le moins « la normalisation
» avec la « poussée » de Donald Trump, en
difficulté dans sa campagne présidentielle
et qui cherche des « victoires diplomatiques
» à présenter pour son bilan.
C’est ce qui explique la signature à la Maison
Blanche. Pour les pays arabes signataires, les
mêmes préoccupations sécuritaires sont
prises en compte, dans un environnement
difficile où la précarité est, pour ainsi dire,
généralisée. Ils sont situés dans la zone du
Golfe persique où l’ensemble des pays rive-
rains concentrent 60% des réserves mon-
diales de pétrole connues.
30% du pétrole mondial y transite pour être
exporté. Ces seules données suffisent pour
comprendre certains enjeux politiques ma-
jeurs, si on y ajoute les relations compliquées
entre les deux puissances sous- régionales
que sont l’Iran et l’Arabie Saoudite, deux pays
qui sont aussi riverains du Golfe Persique.
Les EAU et Bahrein sont aussi des Etats so-
lides et ambitieux qui ont des moyens im-
portants mais qui ont besoin de paix et de
sécurité pour poursuivre leur action d’éman-
cipation économique, sociale et culturelle.
Les EAU mènent une politique de dévelop-
pement stratégique dans des domaines poin-
tus comme le nucléaire et l’exploration spa-
tiale, entre autres.
Ils ont choisi l’ouverture, la paix et la tolérance
pour imposer, pacifiquement, dans le monde
entier, une image de modernité assumée
dans la pratique d’un islam authentique et
respectueux des autres cultes.
Ils l’ont démontré en invitant le Pape François
à venir visiter Abu Dhabi et a y célébrer une
messe avec la participation de 100 000 per-
sonnes. Des dizaines de cultes y sont prati-
qués librement par des travailleurs immigrés.
C’est dans l’ombre portée de cette dynamique
novatrice et nourrie par une analyse lucide
de la géopolitique qu’il faut aussi situer l’acte
courageux de « normalisation » avec Israél.
Les EAU sont des pionniers dans de nom-
breux domaines et ont intérêt à le demeurer
pour sécuriser leurs intérêts stratégiques à
moyen et long terme.
Gouverner c’est prévoir c’est à dire voir loin,
faire des analyses prospectives pour l’après
pétrole, par exemple.
Mais l’investissement majeur doit être fait
dans le domaine de l’éducation.
C’est ce que font les EAU, avec une détermi-
nation digne d’éloge. Il faut donc voir par-
delà la « normalisation » bienvenue et qu’il
faut saluer, en pensant aux générations fu-
tures. La politique est l’art du réel, du possible
et donc du « deal » gagnant-gagnant, autant
que faire se peut.
Les signataires de l’accord du 15 septembre
sont dans la même logique qui avait permis
la signature de les accords de Camp David
(1978) entre l’Egypte et Israël.
Et en 1979 (traité de paix entre l’Egypte et Is-
raël).
Cela fait 42 ans et ça tient toujours !