La galerie Le Manège de l’Institut français accueille du 6 avril au 8
mai l’exposition de dessins d’affiches de cinéma du grand artiste sé-
négalais, Ablaye Ndiaye Thiossane. L’homme porte allégrement ses
85 hivernages, un peu méconnu à travers son talent de dessinateur
et peintre, il a réalisé depuis 1950 un patrimoine riche de plus de 2000
épreuves, inspirées par les affiches de films au programme dans les
salles de cinéma de la ville.
Le collectionneur Florent Mazzoleni et Olivia Marsaud sont les com-
missaires de cette exposition Ablaye Ndiaye Thiossane qui en est à
sa première présentation.
L’exposition « Ablaye Ndiaye Thios-
sane » à la galerie le Manège c’est sur-
tout un bel hommage rendu à cet ar-
tiste, habitant à Thiés (70 km de Dakar). Il
s’agit d’un large panorama de 240 dessins
issus de la collection de Florent Mazzoleni
(forte de 1200 épreuves de A.Nd.Thiossane).
L’exposition compte plusieurs reproductions
d’œuvres dont les originaux sontréalisés sur
du papier en format A4. On se doute de la
fragilité de ces dessins, dont les épreuves les
plus anciennes ont 70 années d’existence.
Le patrimoine en dessins d’affiches réalisées
par Abdoulaye Ndiaye Thiossane dépasse
aujourd’hui les 2000 épreuves. Elles remon-
tent le temps, retraçant au gré de l’actualité,
la filmographie en vogue au Sénégal entre
1950 et les années 1980.
Présenté pour la première fois au Sénégal,
cette exposition est dirigée par les commis-
saires Olivia Marsaud et Florent Mazzoleni.
Ils ont signé les articles du catalogue de pré-
sentation de l’exposition évoquant« une vie
de dessin et les dessins d’une vie ».
L’originalité de cette exposition repose sur
le thème du cinéma qui s’impose sur toute
la cimaise avec les dessins d’affiche de films
réalisés par l’artiste au long de sept décennies
de pratique.
Les dessins sur papier de format A4, chargés
des couleurs recréantl’atmosphère des films
ont un côté naïf, le trait en aplat ne cherche
pas à créer le relief et les trois dimensions. Il
dessine son affiche en y mettant sa touche
personnelle, avec beaucoup d’habileté, res-
pectant l’apparence des personnages et le
décor, utilisant les couleurs à sa portée, feu-
tre, crayon, gouache etc. Olivia Marsaud
évoque le passé de l’artiste Ablaye Ndiaye
Thiossane, en1949 c’est un garçon âgé de
14 ans, passionné de cinéma et qui écume
les différentes salles de la ville de THiés. IL
va voir presque tous les films qui passent et
se découvre un hobby qui ne va plus le lâcher,
ledessindes affichesde cinéma. Il se lied’ami-
tié avec des gérants de salle de cinéma en
venant quotidiennement dessinerles affiches
de film sous le regard curieux des badauds.
Peintre cartonnier aux Manufactures des arts
C’est pour l’adolescent une façon de vivre
par procuration le 7e art. Autodidacte à ses
débuts, l’artiste est encouragé par son père,
Lamine Ndiaye lui-même peintre amateur.
Des années plus tard en 1962, AblayeNdiaye
fréquente l’Ecole nationale des arts, etil entre
en 1967 aux Manufactures des arts décoratifs
de Thiés comme peintre-cartonnier.
Olivia Marsaud souligne que malgré la for-
mation «le travail personnel, sa manière de
dessiner les affiches de films a très peu évo-
luer. Le dessin est rond, il va à l’essentiel, il
est coloré ». Comme les vedettes de cinéma
de l’époque, les genres cinématographiques
également n’ont pas de secret pour ce pas-
sionné du 7e art, du western, au péplum, de
la science-fiction aux romances, les fantas-
tiques, les films hindous et arabes très courus
au temps des salles de cinéma dans les cités
urbaines.
Il a traversé le siècle avec sa passion du ci-
néma en bandoulière, sans relâche, un peu
à la façon d’un archiviste rassemblant avec
soin chaque pièce d’un puzzle, chaque élé-
ment d’une histoire. L’exposition au Manège
présente un film documentaire sur Ablaye
Ndiaye Thiossane réalisé en 2018 par Florent
Mazzoleni.Une mise en scène montre l’espace
de vie de l’artiste, sa chambre, un grand lit,
des peintures et des dessins accrochés aux
murs à côté de quelques diplômes et par-
chemins. Les piles de livres, et surtout les
cassettes de musique montrent la soif d’ap-
prendre de l’artiste et son amour irrésistible
pour les belles sonorités.
AblayeNdiaye Thiossane est sans doute l’un
des artistes les plus prolixes que l’on peut
rencontrer au Sénégal. Dessinateur et peintre
il est aujourd’hui un monument de la création
artistique sénégalaise en tant que doyen des
artistes. IL a connu une grande notoriété dans
les années 50 et 60 comme chanteur et com-
positeur. Membre de plusieurs orchestres tels
que le Royal band de Thiés et l’Orchestre na-
tional du Sénégal, il a fondé l’orchestre
« Thiossane club » à Thiés, en 1964.
Ablaye Ndiaye Thiossane aime chanter les
airs traditionnels transmis par les lignées de
griot chantant la gloire et les hauts faits
d’armes des souverains, aux temps immé-
moriaux des Damels du Cayor et des Bourba
Djolof.
Son morceau fétiche reste encore « Tal lène
lamp yi » (littéralement « allumez les
lampes ») un morceau qui a été le tube du
lancement du 1er festival mondial des arts
nègres à Dakar en 1966.
Mais il est bien là Ablaye Ndiaye, les mélo-
manes du monde savourent encore sur les
réseaux en ligne, son opus « Thiossane » un
premier album sorti surle tard en 2011 et qui
montre toute la vitalité de cet artiste aux ta-
lents multiples.