Les médicaments de la rue, médicaments de contrefaçon, faux médicaments ou produit médical de
qualité inférieure ou falsifié sont tous classés depuis 2007 comme des faux médicaments selon l’Orga-
nisation mondiale de la Santé (OMS). Pourtant ce trafic illicite tue 800.000 africains, chaque année. Le
Sénégal devient la cible et la plaque tournante de ces malfaiteurs. Depuis un certain temps plusieurs
saisies ont été réalisées. Dr Binetou Dia, Inspectrice de la Direction de la Pharmacie et du médicament
(DPM) s’explique dans un entretien accordé au Défi panafricain.
quel est le rôle de la direction de la phar-
macie et du médicament DPM ?
« Elle est le bras technique du Ministère de la
Santé et de l’Action sociale en matière de
médicaments et de pharmacie.
Elle est répartie en plusieurs fonctions réga-
liennes de l’Etat.
quelle est la mission des inspecteurs des
pharmacies au niveau de la DPM ?
Ils ont pour mission de contrôler, de super-
viser et surtout de faire des contrôles et des
audits partout où le médicament est dispo-
nible. La DPM a une division chargée de faire
des inspections et des audits dans les struc-
tures privées et publiques pour vérifier les
conditions de stockage, de conservation, de
distribution, de la marge bénéficiaire qui est
appliquée surle prix, de l’affichage, de la dis-
pensation et des conditions de fabrication.
C’est ce qu’on appelle les bonnes pratiques
de fabrications et de distributions. Elles sont
les références de l’Organisation mondiale de
la santé (OMS). Pour résumer nous sommes
les policiers de la pharmacie.
Comment avez-vous découvertle stockage
de ces faux médicaments ?
Nous avons reçu le signalement du président
duSyndicatprivédespharmaciensduSénégal
(SPS), Dr Assane Diop comme quoi des mé-
dicaments sont vendus par une structure non
autorisée.
Est-il vrai que Daihaico SARL du chinois a
déjà déposé un dossier d’autorisation en
cours ?
Comme tous les laboratoires, il a déposé des
dossiers qui doivent être évalués par des ex-
perts tel n’a pas été le cas. Il faut préciser
qu’aujourd’huiplusde 700dossiersdemande
d’autorisation de mise sur le marché sont
dansnos tiroirs,fautedemoyenspourpouvoir
les instruire. Cette situation s’explique par le
manque de moyens de cette direction qui
joue un rôle très important dans le système
de santé sénégalais.
Mais malheureusement, elle est reléguée au
second plan. Les laboratoires qui viennent
déposer pour avoir leur autorisation de mise
sur le marché doivent verser 500.000 FCFA
pourl’enregistrement et au bout de cinq ans
une somme de 250.000 FCFA est déposée
pourle renouvellement ettoute cette somme
est reversée au Trésor public. Pourtant, en
2017, le Chef de l’État a sorti un décret pour
que les 60 % soient alloués à la DPM pour un
bon fonctionnement de cette direction pour
qu’ellepuisse remplir sesmissions régaliennes
très correctement.
Mais jusqu’à présent, nous n’avons pas vu la
couleurde cet argent.Au-delàmêmedudécret
en 1997, bien avant cette saisie, je vous rap-
pelle que nous sommes en réglementation
pharmaceutique, dans l’harmonisation nous
sommesdans l’Unionéconomiquemonétaire
de l’Afrique de l’ouest (UEMOA) avec d’autres
pays pourle processus d’autonomisation, de
changement deprocessusde règlementation
nationale.Depuis ce tempsbeaucoupdepays
ont changéde statut, laCôted’Ivoire, leBénin,
la Guinée, entres autres. La DPM est toujours
sous la tutelle de la Direction générale de la
Santé (DGS), alors que cette direction gère un
secteur, ce qui constitue un problème très sé-
rieux.
quelles sontles conséquences ?
Elles sont nombreuses, carl’autorité chargée
de réguler doit être en mesure de faire cor-
rectement ce travail, mais présentement 700
dossiers sont en souffrance par faute de
moyens.Normalement quand tu déposes, au
bout de 6 mois, vous devez être régularisé ou
statué sur votre sort. C’est une porte ouverte
par conséquent pour les malfaiteurs. Par
contre je n’approuve pas cet acte, car en
aucun cas, il ne faut jamais frauder et ça ne
justifie pas leur comportement parce que la
loi dit aucun médicament ne peut être vendu
à titre gratuit si le fournisseur ne reçoit pas la
demande d’autorisation de mise sur le mar-
ché. Mais le manque de moyens pour l’ins-
pection pose problème et se répercute sur
notre travail car les inspections ne sont pas
régulières pour démasquer un peu plutôt ces
trafics de faux médicaments.
Est-ce que le budget de laDPMcouvre votre
mode de fonctionnement ?
Nous sommes une entité du ministère de la
Santé et de l’Action sociale (MSAS).
Avec 46 millions de FCFA de budget, c’est peu
parrapport à notre mode de fonctionnement
entre carburant, entretien, entre autres. Par
contre nous avons plusieurs fonctions régle-
mentaires comme la pharmacovigilance, le
contrôle, l’homologation, le contrôle et l’ins-
pection.
Toutes ces activités n’ont aucun financement.
C’est grâce aux partenaires comme l’USAID
et l’OMS, notre partenaire de taille, que nous
arrivons à faire des inspections et des homo-
logations et pourtant ce sont des missions ré-
galiennes de l’État.
La partie plaignante a dit que les produits
n’étaient pas de faux médicaments ?
Comme l’enquête esttoujours pendante de-
vant la justice, je ne vais pas m’aventurer sur
cette saisie, mais les conditions de détention
sont très précises et l’alcool reste donc un
produit sous contrôle.
Par contre tout le monde a vu les conditions
de stockagede cesmédicaments etlesbonnes
pratiques de distribution n’ont pas été res-
pectées.
Comment estfaite la distribution des médi-
caments ?
Le circuit du médicament au Sénégal esttrès
bien tracé grâce à la pyramide sanitaire. Il est
scindé en deux parties, le public représenté
parla Pharmacie nationale d’approvisionne-
ment(PNA) qui achète des médicaments par
appel d’offres national ou international qui
donne aux pharmacies régionales (PRA). Ce
sont des entités de la (PNA) dans les régions
ensuite elles distribuent aux districts qui ap-
provisionnent les centres de santé, les postes
et les cases. Dans le privé, nous avons des
grossistes répartiteurs privés à côté et qui
sont chargés de donner les médicaments au
privé. C’est à dire les officines de pharmacie
qui vendent à la population.
quelles sontles conditions pour ouvrir une
pharmacie ?
Tout le circuit du médicament est contrôlé
par la Direction de la pharmacie et du médi-
cament par le biais de la division de la ré-
glementation, de la législation et de la docu-
mentation. Elle est chargée de l’ouverture des
pharmacies.
Chaque année un arrêté sort pourl’ouverture
des sites par exemple la zone des Parcelles,
Pikine, Dakar, Rufisque… et les pharmaciens
intéressés déposent leurs dossiers et com-
pétissent pur attribution. Après cette attribu-
tion, le pharmacien va faire sa construction
et après cette étape l’équipe se déplace pour
vérifier et s’assurerdes conditionsde stockage
et des normes recommandées.
Existe-t-ilune procédure pour l’importation
des produits ?
La procédure d’importation des dispositifs
n’est pas encore règlementée. Les dispositifs
sont en vente libre, on peut les importer ou
les vendre sans l’aval de la Direction de la
pharmacie et du médicament.
quelle est la différence entre un dispositif
et un médicament ?
Les dispositifs sont en vente libre n’importe
qui peut avoir ou importer des dispositifs. Ils
ne sont pas encore contrôlés malgré qu’ils
soient des produits de santé. Ce sont les
masques les gants, les seringues, le coton.
Par contre les médicaments de pharmacie
sont contrôlés.Selonla loi, aucunmédicament
nepeut êtredistribué à titre gratuitouonéreux
s’il n’a pas reçu une d’autorisation de mise
surle marché. Le laboratoire qui doitimporter
des médicaments doit impérativement pré-
senter une autorisation au niveau de la
douane.
Est-ce que ce qu’il n’est pas temps de ré-
glementer les dispositifs quand on voit la
condition de stockage de ces produits?
Aujourd’hui plus que jamais l’UEMOA est en
train de travailler sur un projet de texte qui
vise à réglementer les dispositifs médicaux.
Mais les autorités faibles ont déjà des pro-
blèmes pour réglementer ce secteur de mé-
dicaments compte tenu tes problèmes et
vient s’ajouter aussi les dispositifs qui sont
classés de plus de 22000 articles avec peu de
moyens. Il est temps que la direction de la
pharmacie soit autonome en devenant une
agence. Elle doit être boostée financièrement
pour qu’elle puisse faire sa mission régalienne
normalement car tôt ou tard les dispositifs
vont être réglementés et feront partir de la
monopole pharmaceutique.
Elle est chargée de réguler le secteur phar-
maceutique elle est appelée aux USA « Food
drogue administration », elle régule tout ce
qui est alimentation et drogue car drogue si-
gnifie médicament, et en France on l’appelle
agence nationale de la sécurité du médica-
ment quirégule aussi le secteur pharmaceu-
tique.C’estpourquoi, on souhaitedevenir une
agence pour agir et prendre en charge toutle
secteur et faire correctement notre travail. Le
changement de statut est très normal quand
on réglemente des industries, des grossistes
répartiteurs, des officines pharmaceutiques
qui émanent de beaucoup de ressources. Il
vaut mieux sécuriser ce secteur en la dotant
de moyens pour être plus autonome car ces
questions sont purement sécuritaires.
Dans sa 70eConférence, àGenève, l’OMS avait
déjà défini le faux médicament dès qu’il sort
de son circuit d’approvisionnement. Tout au
long de la chaîne d’approvisionnement, nous
avons les bonnes pratiques de fabrication, de
distribution et de dispensation pour montrer
l’intérêt de ce produit pharmaceutique.
Pourrevenir au contextede cette saisie laDPM
devrait être felicitée, en particulierles inspec-
teurs pharmaciens qui avec peu de moyens
essaientde faire leurtravail correctement avec
beaucoup de risque en allant aux postes de
santé les plus éloignés, partout au Sénégal.
Avant cette saisie, toute une journée on a fait
plus de 11 postes de santé très éloignés dans
le Sud avec beaucoup de risques.
Le Sénégal doit revoir le statut de la DPM et
les conditions des inspecteurs pharmaciens
dont le rôle est de veiller à la sécurité de la
population.
En tant que spécialiste et inspecteur de la
pharmaciequel est votre avis surles vaccins
anti Covid ?
Le vaccin, c’est un médicament, un produit
biologique, comme tout produit semblable
lorsqu’on l’injecte, il y a des possibilités de
manifestations post vaccinales.