❒ Propos recueillis par
Mouhamadou M. DIA
Le Défi Panafricain : Maître, vous connaissez
bien le système judiciaire sénégalais, pour
avoir défendu Me Abdoulaye Wade en 1988,
alors qu’il était dans l’opposition et avait
été arrêté, à la suite des troubles post-électoraux et l’instauration d’un couvre-feu.
La situation actuelle est certes différente,
mais quelle est votre appréciation sur les
échauffourées constatées qui ont causé, au
moins, 16 morts, après la condamnation, à
2 ans de prison ferme, de l’opposant Ousmane Sonko, à la suite d’un procès pour
«viol et menaces de mort ». Le juge ayant
requalifié l’accusation en «corruption de la
jeunesse ».
Me Francis Szpiner : Comme vous le savez,
j’ai été souvent l’avocat de femmes et d’enfants, victimes de viols et je suis l’avocat de
l’association « la voix de l’enfant » et j’ai été,
aussi, l’avocat de Sandra Muller qui a initié
le mouvement : « Balance ton porc ».
Je suis donc très sensible à la cause des violences faites aux femmes et je constate qu’au
Sénégal cette cause est entrain de progresser,
même si la notion de viol, a encore, des espaces à conquérir.
J’ajoute, qu’en France c’est aussi le cas et
nous n’avons pas de leçon à donner. Maintenant,s’agissant de l’affaire « Adji Sarr/Sonko
», n’ayant pas eu à connaître du dossier et,
respectant la décision du tribunal qui a
condamné Sonko, pour corruption de la jeunesse et ; non pour viol, je voudrais, quand
même faire les remarques suivantes :
Un élu ne peut pas se réfugier derrière sa
fonction, pour que dès qu’il lui est reproché
quelque chose, brandir sa qualité d’élu ou
son statut d’opposant, pour crier au complot.
Le refus d’Ousmane Sonko de participer à,
l’œuvre de justice (refus du test ADN et du
procès), est une forme de dérobade. Le refus
de se soumettre à la contradiction judiciaire,
ce ne sont pas les qualités d’un homme
d’Etat. Il y a surtout ce qui m’a profondément
choqué, à savoir les séries de tweets qui sont
des menaces et des pressions sur les magistrats et qui ne sont pas acceptables.
Un président de la République est garant de
l’indépendance et de la protection des magistrats et, c’est quelque chose qui échappe,
manifestement à M. Sonko.
LDP : Il y a un débat juridique sur la « requalification » du viol, accusation portée
contre Sonko par l’ex-masseuse Adji Sarr,en
« corruption de la jeunesse ».
Le Garde des Sceaux du Sénégal, Ismaila
Madior Fall affirme que la «requalification»
est une pratique banale, courante en justice.
Quelle est votre opinion ?
F.S : Je constate que le procureur avait réclamé 10 ans de prison et une condamnation
pour des faits de viols.
Le juge n’a pas suivi la réquisition du Parquet
et a « requalifié » ; ce qui impliquait une peine
moindre, car on ne peut plus aggraver la
peine, après « requalification ».
La « corruption de la jeunesse » correspond,
en droit français, à l’infraction de « corruption
de mineur » qui existe aussi en droit sénégalais, pour les mineurs . La « corruption de mineurs » concernant les personnes âgées de
moins de 21 ans.
Soit dit, en passant, je viens de faire condamner un célèbre animateur de télévision, pour
des faits similaires. J’estime que c’est une justice indépendante qui a statué et à laquelle.
M. Sonko s’est dérobé, et donc en discréditant
l’Institution judiciaire pour y échapper, et en
créant un climat de violence. M. Sonko entraine le Sénégal dans une spirale de violence
dont il porte la responsabilité.
LDP : Me Juan Branco, l’un des avocats de
Sonko a été expulsé du Sénégal. Il continue
de faire des déclarations mensongères en
affirmant que le directeur de la sécurité publique du Sénégal, avait demandé à «être
déchargé de ses fonctions», ce qui est faux.
L’intéressé a tenu un point de presse pour
détailler certaines arrestations de manifestants avec des armes à feu.
Est-ce le rôle d’un avocat de répandre des
fake news ?
FS : Les avocats comme les élus ne sont pas
au-dessus des lois. Si leurs propos constituent
des diffamations, ils doivent en répondre devant les tribunaux