« Ma décision… est de ne pas être
candidat à la prochaine élection
du 25 février 2024 »
Mes cher(e)s compatriotes d’ici et de la
diaspora
C’est en forte conscience des responsabilités
qui m’incombent que je voudrais m’adresser
à vous, ce soir, en ma qualité de garant du
fonctionnement régulier des institutions, de
l’indépendance nationale et de l’intégrité du
territoire.
Pour beaucoup d’entre nous, nous venons
de célébrer la fête de la Tabaski, cette fête de
la foi, de la solidarité et de la convivialité, en
compagnie de ceux et celles que nous aimons
et qui emplissent nos vies de bonheur, d’espoir et d’amitié. Pour certains de nos concitoyens cependant, la fête s’est déroulée dans
l’ombre du deuil, parce que leurs chers enfants
faisaient partie de ceux et celles qui ont perdu
la vie dans des violences insoutenables, injustifiables et inexcusables. Des violences qui
ont mis à l’épreuve notre cohésion sociale et
notre longue et enviable tradition de paix et
de stabilité en Afrique.
Vous aurez donc compris la tristesse et la
douleur qui sont miennes. Vous, comme moi,
nous n’étions pas cette année dans le même
état d’esprit par lequel nous honorons et célébrons la fête du sacrifice.
Permettez-moi de m’incliner, à nouveau, devant la mémoire de nos enfants qui ont tragiquement perdu la vie, sous les effets brutaux
de la violence et de renouveler mes condoléances à toutes les familles éplorées et à la
nation toute entière. Je n’ai pas manqué, dans
mes prières, il y a quelques jours, aux lieux
saints de l’islam, de penser à nos regrettés
disparus. Aucun de nos fils, aucune de nos
filles, ne doit payer de sa vie les désaccords
qui s’expriment dans nos sociétés. La vie de
nos concitoyens ne peut être sacrifiée sous
l’autel d’intérêts politiques. Nous avons l’obligation de protéger la vie et la dignité de tous
les sénégalais, de toutes les sénégalaises.
Devant l’insoutenable, l’innommable, la prise
de parole n’est pas toujours facile et souvent,
les mots n’arrivent pas à exprimer le plein de
tristesse qui nous envahit.
Nous avons vécu des événements particulièrement graves, marqués par une violence
sans précédent, occasionnant des morts et
des blessés, ainsi que la destruction massive
de biens publics et privés.
Les scènes de violences et de pillages auxquelles nous avons assisté et leur coïncidence
avec une cyber attaque contre des sites stra
tégiques du Gouvernement et des services
vitaux, tels que l’eau et l’électricité, n’ont rien
à voir avec une quelconque manifestation
politique.
Rien, ni aucune revendication ne saurait justifier qu’on tue, qu’on diffuse des messages
de haine et de violence dans les réseaux sociaux, qu’on saccage et brûle des biens publics et privés, y compris des moyens de transport, des commerces, des lieux de culte, des
domiciles, des Consulats, des ambulances –
même un corbillard-, des universités et des
écoles comme pour éteindre la lumière du
savoir, réduire au silence notre élite et notre
relève scientifiques et intellectuelles et plonger notre pays dans les ténèbres de l’obscurantisme. L’objectif funeste des instigateurs,
auteurs et complices de cette violence inouïe
était clair: semer la terreur, mettre notre pays
à l’arrêt et le déstabiliser. C’est un véritable
crime organisé contre la nation sénégalaise,
contre l’État, contre la République et ses Institutions.
Face à ces actes inadmissibles, l’État est resté
debout et le peuple sénégalais, attaché à son
vivre ensemble, a refusé de tomber dans le
piège de cette machination insurrectionnelle
aux antipodes des valeurs démocratiques et
qui visait à s’emparer du pouvoir par la violence et détruire notre modèle de société.
Je renouvelle mon soutien et mon entière
confiance à nos forces de défense et de sécurité dont la retenue, le professionnalisme
et le sang-froid ont permis d’éviter un bilan
plus lourd.
Je redis avec fermeté que les auteurs, les
commanditaires, les complices répondront
de leurs actes inqualifiables devant la justice.
En attendant, les enquêtes se poursuivent.
Nous ferons toute la lumière sur ces événements et sur les forces occultes qui veulent
ébranler notre pays. Pour ma part, j’affirme
ici que je ne transigerai pas avec des fossoyeurs de la nation, de l’État, de la République. Ce serait trahir mon serment constitutionnel.
J’exprime encore ma profonde compassion
et ma solidarité aux victimes de ces actes criminels qui ont perdu leurs biens, fruits d’années d’investissement, de labeur et d’efforts
quotidiens. Je pense également à toutes
celles et tous ceux plongés aujourd’hui dans
la détresse, parce que leurs emplois sont perdus ou menacés. C’est le Sénégal qui se lève
tôt, qui travaille dur toute la journée et qui
se couche tard qui est ainsi atteint.
J’invite fortement les parents et les familles
à plus de vigilance. Je demande solennellement aux citoyens, aux leaders d’opinion, à
toutes les forces vives de la nation, politiques
et apolitiques, soucieux de la sauvegarde des
valeurs démocratiques, de la paix, de la sécurité et de la stabilité de notre pays, de soutenir, sans réserve, l’action de l’État pour mettre en échec le projet pernicieux de déstabilisation du Sénégal. Quand la paix, la sécurité
et la stabilité de la patrie sont à ce point menacées, il n’y a point d’indifférence et de neutralité possibles.
Au regard de cette situation sans précédent,
j’ai demandé au gouvernement de faire un
bilan exhaustif des pertes et d’examiner les
voies et moyens d’assister les familles des
victimes ainsi que les personnes et entités
ayant subi des préjudices.
Le contexte est difficile, les inquiétudes, les
angoisses sont là. Mais je sais que le peuple
sénégalais a les ressources spirituelles, culturelles, traditionnelles, sociales pour transformer ces moments d’épreuves en une
chance pour la paix. Ainsi œuvrer à transformer nos divergences en des occasions de
dialogues constructifs pour forger le Sénégal
que nous voulons, un Sénégal de respect de
la vie humaine, de la justice, de l’égalité et
de la paix. Un Sénégal qui se réconcilie avec
ses valeurs de « disso », de concertation qui
ont traversé le temps et construit son histoire
enviée.
L’heure du bilan viendra plus tard alors que
des occasions se présenteront pour vous parler de ce que le Sénégal a été sous ma présidence. Mais aujourd’hui, je voudrais interpeller toute la classe politique, sans exclusive.
Notre pays nous demande de regarder ensemble vers l’avenir afin que nous soyons les
bâtisseurs du Sénégal de demain. Consolidons les forces de nos institutions tout en remédiant à leurs faiblesses. Abandonnons les
postures populistes, nihilistes, extrémistes
qui tentent de présenter notre pays comme
un désert sans loi. Chaque nation peut être
éprouvée, chaque société peut être traversée
par des tensions. Mais voici plus de 60 ans
que nous œuvrons à construire un Sénégal
selon nos valeurs de paix et de solidarité.
Des jalons ont été posés par mes prédécesseurs. Continuons à bâtir sur ces acquis et
éloignons-nous des radicalismes qui veulent
faire de la violence l’arbitre principal de nos
différends. Nous pouvons être des adversaires
mais jamais des ennemis. C’est pour cela,
qu’après le dialogue national réussi que je
salue encore, ma main demeure tendue à
toutes les voix de bonne volonté pour continuer d’échanger sur les bonnes idées, les
bonnes propositions qui nous permettront
de faire advenir un Sénégal de bâtisseurs et
non de casseurs, d’asseoir une paix durable,
de réussir des élections apaisées dont les résultats seront acceptés par tous, le lendemain
du scrutin.
Cette vision de nous-mêmes comme un peuple ancré dans la paix et la stabilité n’est pas
une utopie, même si notre histoire politique
a rencontré quelques moments de fragilité,
de tensions. Notre force a été d’avoir toujours
su trouver les mots, les paroles, les rencontres
pour converser, pour panser ensemble les
plaies, guérir ensemble les maux. Et depuis
mon investiture à la magistrature suprême,
mon gouvernement et moi, n’avons ménagé
aucun effort pour renforcer l’unité nationale,
consolider les acquis de notre démocratie et
le respect des droits de l’homme. Nous
n’avons cessé de relever les défis liés au développement économique et social. Nous
avons un bilan qui amène nos adversaires,
même ceux parmi les plus virulents, à reconnaître que nous avons fait progresser le Sénégal.
Mais aujourd’hui, ce n’est pas sur le bilan de
nos réalisations que je veux surtout m’appesantir. Je veux parler avec vous de notre avenir
en tant qu’il est façonné par les dynamiques
de notre présent, de nos aspirations les uns
à l’égard des autres, de la promesse que chacun peut être pour l’autre dans la construction
du Sénégal que nous souhaitons léguer à nos
enfants. Je veux donc parler de ce que, le Sénégal de demain exige de nous aujourd’hui,
nous les contemporains. Je veux évoquer
nos responsabilités en tant que communauté
de destin.
Nous sommes condamnés à une solidarité
susceptible de préserver l’unité de notre nation, malgré les tensions et divergences qui
peuvent nous opposer. Cette solidarité ne signifie pas une totale convergence des points
de vue, une uniformisation des consciences,
une domination des uns sur les autres. Cette
solidarité est celle qui nous empêchera de
traduire nos désaccords, nos dissonances
dans des violences meurtrières, justement
parce que nous aurons su nous abreuver dans
les sources démocratiques, morales, spirituelles et culturelles du grand peuple sénégalais. Cette solidarité, mes chers compatriotes, c’est celle qui poussera chaque
individu à développer les comportements
qui ne menacent pas l’avenir de notre nation.
Cette solidarité enfin, c’est celle qui fera de
chacun, de chacune de nous, une digue
contre la violence.
J’entends bien les aspirations du peuple sénégalais, de sa jeunesse en particulier, de ses
attentes légitimes en matière de justice socioéconomique, de création d’emplois, de renforcement du système d’éducation et de formation professionnelle, de meilleurs cadres
de vie. Je comprends la volonté de notre jeunesse de vouloir vivre une vie qui vaut la peine
d’être vécue, ici au Sénégal et non ailleurs.
C’est justement à nous concerter à repenser
ensemble cette solidarité que nous parviendrons, en tant que société, à répondre aux
justes revendications de notre jeunesse et
de l’ensemble des citoyens sénégalais. Jamais
la violence n’a permis à un pays de répondre
aux aspirations de sa population. Loin d’être
une solution, la violence et les discours qui
la construisent sont les signes d’une démission morale, intellectuelle, politique et citoyenne. N’est-ce pas à inventer, à réinventer
de nouvelles manières de penser le développement de notre pays et de l’Afrique que nous
devons nous atteler afin d’assumer notre destin dans un monde de plus en plus instable
? Mais pourrait-on collectivement nous ouvrir
à des possibles, produire le meilleur de nousmêmes, si nos intérêts politiques personnels
nous dressent les uns contre les autres, poussant ainsi une partie de la jeunesse dans la
banalisation de la violence ? A l’heure où se
reconfigurent les rapports de pouvoir au niveau global, où la révolution numérique nous
plonge dans des ailleurs incontrôlés, le Sénégal et l’Afrique de manière générale, ont
plus que jamais besoin de se réarmer scientifiquement et intellectuellement par la production des savoirs et des savoirs faire capables de défendre l’intérêt de nos populations
et de nos cultures.
Nous avons des intelligences et des ressources
humaines, ici, mais aussi disséminées à travers le monde, que seul le sens de la solidarité
pourrait mobiliser au service d’une Afrique
forte dans un monde malmené par des luttes
d’influences et de domination. La violence
est un frein à la mise en œuvre de nos capacités, de notre engagement à faire émerger
un Sénégal prospère, un Sénégal de richesse
partagée, bref, un Sénégal de tous, un Sénégal
pour tous.
C’est fort de la conviction d’un Sénégal enraciné dans les vertus de la paix et du dialogue,
que j’ai appelé à l’organisation d’un dialogue
national ouvert, pluriel et inclusif. Je ne saurai
assez remercier le coordonnateur de ce dialogue national ainsi que les présidents et rapporteurs de commissions, de même que tous
les participants, sans exception, qui ont su
mettre le Sénégal au-dessus de tout pour produire, en un temps record, des recommandations fort stratégiques, sur les différentes
dimensions de la vie sociale, politique, économique et culturelle de notre pays. Je salue
les conclusions très positives du dialogue national dont la mise en œuvre débutera cette
semaine par la saisine de l’assemblée nationale pour la modification de certaines dispositions de la constitution et du code électoral
entre autres.
Mes cher(e)s compatriotes,
S’agissant de l’élection présidentielle du 25
février 2024, je tiens à ce que le gouvernement
prenne toutes les dispositions pour une
bonne organisation du scrutin, comme par
le passé.
En ce qui me concerne, j’ai suivi avec beaucoup d’attention et d’émotion les différentes
manifestations de soutien à ma candidature
pour un second quinquennat. La dernière
étant celle des 512 maires et présidents de
conseil départemental sur les 601 que compte
notre pays. A cela s’ajoutent les soutiens de
la diaspora, de mouvements de jeunes, de
femmes, de nos respectés sages, d’enseignants, d’arabisants, de religieux et bien d’autres groupes, tous déjà prêts pour mener
le combat de ma réélection. A tous ces compatriotes, je voudrais exprimer ma profonde
gratitude en réservant une mention spéciale
et toute particulière à la coalition BBY, à mon
parti l’Alliance Pour la République et à la
grande coalition de la majorité présidentielle.
Mes cher(e)s compatriotes, ma décision
longuement et mûrement réfléchie est
de ne pas être candidat à la prochaine
élection du 25 février 2024. Et cela, même
si la constitution m’en donne le droit. En
effet, depuis la révision constitutionnelle de
2016, le débat juridique a été définitivement
tranché par la décision du Conseil Constitutionnel n°1-C-2016 du 12 février 2016.
Je sais que cette décision surprendra tous
ceux et celles nombreux dont je connais l’admiration, la confiance et la fidélité sincères.
Elle surprendra aussi ceux et celles qui souhaitent me voir encore guider la construction
du pays qui trouve de plus en plus ses
marques. Mais le Sénégal dépasse ma personne et il est rempli de leaders également
capables de pousser le pays vers l’émergence.
On a tant spéculé, commenté sur ma candidature à cette élection. Cependant, Je n’ai jamais voulu être l’otage de cette injonction
permanente à parler avant l’heure, car mes
priorités portaient surtout sur la gestion d’un
pays, d’une équipe gouvernementale cohérente et engagée dans l’action pour l’émergence, surtout dans un contexte socio-économique difficile et incertain. Contrairement
donc aux rumeurs qui m’attribuaient une nouvelle ambition présidentielle, je voudrais dire
que j’ai une claire conscience et mémoire de
ce que j’ai dit, écrit et répété ici et ailleurs,
c’est-ŕ-dire que le mandat de 2019 était mon
second et dernier mandat. C’est cela que
j’avais dit et c’est cela que je réaffirme ce soir.
J’ai un profond respect pour les Sénégalais
et les Sénégalaises qui m’ont lu et entendu.
J’ai un code d’honneur et un sens de la responsabilité historique qui me commandent
de préserver ma dignité et ma parole.
Je rends ici un hommage à mes prédécesseurs, les présidents Léopold Sédar Senghor,
Abdou Diouf et Abdoulaye Wade dont les parcours sont, bien sûr, différents mais qui ont
contribué chacun à construire l’image de ce
Sénégal démocratique qu’il faut perpétuer.
Je ne saurai faire moins.
D’ici la transmission du pouvoir au futur président de la république, in shallah, le 2 avril
2024, j’assumerai avec responsabilité et fermeté toutes les charges qui incombent à ma
fonction. En vertu du mandat que vous m’avez
confié et en étroite cohérence avec mon serment constitutionnel, je continuerai de consacrer toutes mes forces à défendre, sans failles,
les institutions constitutionnelles de la république, le respect des décisions de justice,
l’intégrité du territoire, la protection des personnes et des biens. Je resterai à vos côtés,
à votre écoute et au service de la république
et de la nation.
Nous avons des réalisations indéniables et
un potentiel incroyable. Mais soyons vigilants
et conscients des difficultés, des obstacles
qui sont réels et de l’activisme des ennemis
de l’intérieur et de l’extérieur.
L’enjeu essentiel pour moi, c’est que notre
cher Sénégal, ce pays que j’ai à cœur, que
vous avez à cœur, garde le cap vers l’émergence dans la voie de l’action, de la paix, de
la stabilité, du respect du droit, de l’ordre public, dans l’unité nationale et la cohésion sociale.
Cela exige de chacune, de chacun de nous
l’adhésion à notre modèle de société fondé sur
la démocratie, la liberté, le respect de nos valeurs socio culturelles, le respect de ce vivre
ensemble qui a su jusqu’ici nous rassembler
et nous ressembler, le respect de nos religions,
de nos confréries et de nos guides religieux.
En somme, le respect de notre identité collective sénégalaise qui est ancrage dans le
socle socioculturel sénégalais et africain, mais
aussi ouverture dans la modernité.
C’est seulement ainsi que nous pourrons
poursuivre, ensemble, épaule contre
épaule, notre élan commun vers notre destin
commun, fidèles à notre devise nationale :Un
Peuple, Un But, Une Foi.
Vive la République !
Vive le Sénégal.
Jamais la violence n’a
permis à un pays de
répondre aux aspirations
de sa population. Loin
d’être une solution, la
violence et les discours qui
la construisent sont les
signes d’une démission
morale, intellectuelle,
politique et citoyenne.