OUSMANE SONKO

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Senegalese opposition figure Ousmane Sonko discuss with members of the police outside his residence in Dakar on June 17, 2022. - Police deployed Friday in Dakar near the home of opposition figure Ousmane Sonko, who called for defying an official ban on protests the same day, amid growing tension, his party said. (Photo by SEYLLOU / AFP)

L’art de se faire hara kiri

❒ Par Demba DIOUM

Arrêté le vendredi 28 juillet dernier, Ousmane Sonko est poursuivi
pour sept chefs d’inculpation. De lourdes charges qui viennent assombrir davantage l’avenir politique, du moins sur le court et moyen
terme, du leader du parti politique Pastef qui n’avait pas encore fini
de solder ses autres affaires judiciaires.

Ousmane Sonko arrêté ! La nouvelle a
fait l’effet d’une bombe sous le ciel
grisâtre d’un après-midi de vendredi
arrosé par une fine pluie, alors qu’aucun signe
ne le présageait. Ce, d’autant plus que, quatre
jours plus tôt, le lundi 24 juillet plus précisément, le blocus de sa maison avait été levé
après 55 jours de barricades. Mais il a fallu un
coup de théâtre dont Ousmane Sonko est luimême un des principaux acteurs pour qu’une
nouvelle affaire judiciaire se déclenche. Cette
fois-ci il ne s’agit pas d’une affaire privée impliquant le leader du parti Pastef à un autre
citoyen sénégalais comme dans les affaires
l’opposant à Mame Mbaye Ndiaye et à la dame
Adji Sarr. Là, c’est à l’Etat du Sénégal que le
maire de Ziguinchor devra faire face. C’est une
première qui mérite d’être souligné.
En effet, depuis 2021 et malgré tout le narratif
complotiste autour de ses procès, c’est la toute
première fois que l’Etat lui-même poursuit Ousmane Sonko. Et pour dire le moins, les charges
sont lourdes. Trop lourdes mêmes sur les
épaules de l’irréductible opposant. « Appel à
l’insurrection », « association de malfaiteurs »,
«atteinte à la sûreté de l’Etat», « complot contre
l’autorité de l’Etat », « actes et manœuvres à
compromettre la sécurité publique et à créer
des troubles politiques graves », « association
de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste », « vol à l’arraché », le Procureur de la
République, après son communiqué laconique
publié dans la foulée de l’arrestation d’Ousmane Sonko, a détaillé les reproches qui lui
sont faites au cours d’un point de presse le lendemain samedi.
Selon le maître des poursuites, l’incident de
vendredi n’est qu’un déclencheur, comme pour
dire que le président du Pastef était longtemps
dans le viseur de l’Etat qui, vraisemblablement,
avait pris le soin, ces deux dernières années,
depuis février 2021 et l’éclatement de l’affaire
de viol sur Adji Sarr, de rassembler assez de
preuves contre le maire de Ziguinchor. Mais
on ne peut pas dire que lesdites preuves sont
fabriquées, elles sont bien documentées et
une idée en a été donnée avec la compilation
des déclarations incendiaires de Sonko diffusée
au cours de la conférence de presse du Procureur de la République. Il était temps que
l’Etat réagisse. Car, à la longue et à force d’avoir
laissé l’ancien Inspecteur des Impôts tenir des
propos peu diplomatiques sur tous les piliers
de la République, accusant et invectivant à
tout va, menaçant de marcher sur le Palais et
déloger le Président de la République, donnant des ultimatums par-ci par-là, professant
le chaos au Sénégal s’il n’est pas candidat à
la présidentielle de 2024, promettant de ses
foudres juges, policiers et gendarmes une fois
élu…certains Sénégalais avaient fini par croire
que l’Etat avait abdiqué devant lui. D’ailleurs,
lorsqu’il a été condamné dans l’affaire l’ayant
opposé à la masseuse Adji Sarr, ses partisans
disaient ouvertement, avec un brin de défiance et d’ironie, que si les autorités étaient
assez courageuses, elles n’ont qu’à aller le
cueillir chez lui. Toujours est-il que cette inertie
avait fini par faire pousser des ailes à Ousmane
Sonko qui se sentait en position de tout se
permettre.
C’est fort de ce sentiment d’intouchable qu’il
a eu l’audace de s’en prendre à la femme gendarme dont il a arraché et confisqué le téléphone de manière violente. Un civil qui exige
à un corps habillé, un agent assermenté, de
déverrouiller son téléphone et d’effacer des
vidéos, il faut beaucoup de culot. Mais il en
faut encore beaucoup plus pour le lui prendre
en croyant que cela ne serait pas sans conséquences. Pour atténuer son geste, il rappelle
fort opportunément que les forces de l’ordre
avaient, elles aussi, « volé » ses portables, son
ordinateur, son argent, ses armes…lors de
son « kidnapping » à Koungheul en mai dernier. Autrement dit, ils m’ont volé mes affaires,
je me venge en volant les leurs.
Et certains ont bien raison de se demander
pourquoi Ousmane Sonko n’a pas laissé faire
sa garde rapprochée. Mais c’est oublier que
le maire de Ziguinchor délègue peu et aime
être au centre des attentions. Le fonctionnement de son parti Pastef-Les Patriotes en est
l’illustration parfaite, tout tourne autour de
lui, aucune autre tête ne dépasse. A force de
vouloir être au four et au moulin, il commet
forcément donc des erreurs de communication et tombent dans des excès de langage
et pose des actes qui l’entraînent dans des
déboires judiciaires. C’était le cas avec l’affaire
Mame Mbaye Niang et c’est le cas aujourd’hui
avec l’épisode de la gendarme. L’art
consommé du hara kiri.

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