« C’est une étape importante vers le
marché sous régional de l’électricité »
❒ Par Moustapha SYLLA
Dans le cadre du projet
d’interconnexion du réseau
électrique des pays de la
Cedeao, des essais ont été
réalisés le 08 juillet 2023, afin
de matérialiser la
synchronisation permanente du
réseau. Ce programme
d’envergure concerne 12 pays
tels que le Togo, le Bénin, le
Ghana, le Burkina Faso, la Côte
d’Ivoire, le Libéria, la Sierra
Léone, la Guinée, le Mali, le
Sénégal, la Gambie et la
Mauritanie. Dans cet entretien,
le Directeur général de la
Senelec, Pape Demba Bitèye,
explique les tenants et les
aboutissants de cette initiative
qui s’inscrit dans le cadre du
West African Power Pool, une
coopération des compagnies
nationales d’électricité
d’Afrique de l’Ouest sous les
auspices de la Communauté
économique des États de
l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
Monsieur le Directeur général, le 8 juillet
dernier, des essais ont été réalisés afin de
matérialiser la synchronisation permanente du réseau. Ce, dans le cadre du West
African Power Pool, une coopération des
compagnies nationales d’électricité
d’Afrique de l’Ouest sous les auspices de
la Communauté économique des États de
l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). De quoi
s’agit-il au juste ?
Cette manœuvre est la troisième du genre
après celles du 22 octobre 2022 et du 11 mars
- Elle est une prouesse technique qui matérialise, la vision des pères fondateurs au
sortir de l’indépendance. Une étape importante vient donc d’être franchie dans le processus d’intégration des réseaux électriques
nationaux dans un marché régional unifié de
l’électricité. Contrairement au réseau isolé,
l’interconnexion présente plus de garantie et
une plus grande souplesse d’exploitation. De
plus, cette infrastructure va favoriser la mutualisation des ressources énergétiques dans
les pays de l’Afrique de l’Ouest. Ainsi, on aura
un réseau unique parce que, jusqu’à présent,
chaque pays fonctionnait de façon autonome
pour satisfaire sa propre clientèle. Certes, il y
a quelques pays qui étaient interconnectés,
c’est le cas du Sénégal, de la Mauritanie, du
Mali dans le cadre de l’Omvs et dans le cadre
de l’Omvg avec la Gambie. Il y a aussi la Côte
d’Ivoire avec les pays qui l’entourent. L’ensemble de ces blocs vont s’intégrer pour former
un réseau unique, ce qui constitue la matérialisation de l’intégration électrique de la sousrégion de la Cedeao.
Quels sont les avantages de cette interconnexion pour le Sénégal et les autres
pays ?
Cette interconnexion vise à mettre en place
un marché unique pour faciliter un approvisionnement en énergie électrique régulier,
fiable et à un coût compétitif avec une meilleure qualité de service au bénéfice des populations des États membres notamment
pour le Sénégal qui nourrit l’ambition de se
positionner en tant qu’exportateur dans ce
marché sous régional avec les perspectives
de l’utilisation du gaz local. Chaque pays se
prenait en charge, désormais nous sommes
dans un marché unique, nous allons donc
pouvoir mettre nos efforts ensemble. Ceux
qui ont plus de production d’électricité pourront le mettre à la disposition d’autres qui
n’en ont pas assez. En d’autres termes, comme
le disait Senghor, le rendez-vous du donner
et du recevoir. Cela va améliorer la qualité de
service et développer l’esprit de solidarité,
l’entraide et nous aurons en plus de cela un
réseau qui sera plus vaste, plus robuste, à
même de résister aux aléas qui souvent causent ces problèmes et des contraintes pour
les sociétés d’électricité.
Comment cette interconnexion est encadrée, régulée ?
Jusqu’à présent, au niveau de la Cedeao et
du Wap, nous avions trois blocs ou zones : la
zone 1 comprend le Nigéria et le Niger ; la
zone 2 est composée de la Côte d’Ivoire, du
Togo, du Bénin, du Burkina Faso, du Ghana,
de la Guinée, de la Sierra Léone et d’une partie
du Mali ; dans la zone 3 nous avons l’autre du
Mali, la Gambie, la Guinée Bissau et le Sénégal.
Donc la zone 2 va venir s’intégrer à la zone 3
du Sénégal pour former le réseau unique qui
va donc regrouper 11 pays de la Cedeao plus
la Mauritanie qui ne fait pas partie de la Cedeao mais qui a été interconnectée avec le
Sénégal dans le cadre de l’Omvs, donc il s’agira
de douze pays qui seront intégrés. Dans
chaque zone, nous avons un opérateur, un
pays leader. Pour la zone 3, c’est le Sénégal
le leader, l’opérateur. De l’autre côté, c’est la
Côte d’Ivoire et la Guinée les leaders. C’est à
partir de ces centres de conduite que les opérations vont se faire. Les tours de contrôle réalisent ces opérations et une fois fait, tout est
unifié et tous les pays seront à la même fréquence.
Que le Sénégal soit leader, est-ce la consécration de la politique énergétique du Président Macky Sall ?
Il est de bon augure que la matérialisation de
cette vision d’intégration électrique sous-régionale se fasse sous le magistère du Président
Macky Sall parce que c’est une problématique
qu’il a portée à cœur à l’image de ses pairs
après nous avoir guidé pour parvenir à des
performances historiques. Par exemple, c’est
la Senelec a franchi la barre des 1000 mW de
consommation, le mercredi 5 juillet à partir
de 23 heures 45 minutes où nous avons enregistré une consommation de 1003 mW. Ce
niveau de consommation fait rentrer la Senelec dans le cercle des grandes sociétés
d’électricité. A ce niveau-là, l’unité de consommation n’est plus le mégawatt mais le gigawatt.
Est-ce que les premiers essais ont été
concluants ?
Le 22 octobre 2022, nous avons réalisé un premier essai de cette interconnexion et cela a
fonctionné pendant deux heures de temps.
Le 11 mars 2023, nous avons remis l’interconnexion et nous avons fonctionné pendant 48
heures pour faire les essais, tests et les réglages
nécessaires. Ces deux premiers essais ont été
concluants. Et puis il y a eu le troisième essai
le 8 juillet dernier et depuis, l’interconnexion
fonctionner de manière continue.
Quel est le niveau de fourniture aujourd’hui au Sénégal ?
Nous avons triplé nos capacités de production. Nous sommes à plus de 1700 mW de capacité de production après avoir fait un investissement de plus de 1000 milliards de Fcfa
sur le réseau. Nous assurons la couverture totale du Sénégal avec les autoroutes de l’électricité caractérisée par un poste de transformation au niveau de chaque capitale
régionale. Nous comptons 1552 km d’autoroutes de l’électricité construites pour environ
400 milliards de Fcfa qui nous permettra d’atteindre l’objectif de l’accès universel à l’électricité à l’horizon 2025.