Le ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique a mis en place, par un arrêté, la Commission d’examen et de validation de la déclaration des entreprises de presse du Sénégal. L’objectif de cette structure est, selon Alioune Sall, d’organiser le secteur médiatique et d’assurer que seules les entreprises conformes puissent opérer légalement au Sénégal. Mieux, cet outil vise également à dématérialiser le processus d’enregistrement.
Cependant, dans un communiqué reçu ce lundi, l’Association des éditeurs et professionnels de la presse en ligne (APPEL) demande au ministre de la Communication de surseoir à la création de cette commission. «Cet arrêté, élaboré de manière cavalière, sans consultation ou concertation aucune, s’arroge un droit de vie et de mort sur les entreprises de presse », ont fait savoir Ibrahima Lissa Faye et Cie.Toujours, à l’encontre d’Alioune Sall, ils lancent : «Quand il parle de valider ou de rejeter, là, il outrepasse ses prérogatives et fait un pied de nez à l’autorité de régulation. Le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA), qui est une autorité administrative indépendante avec pleins pouvoirs sur l’audiovisuel, est confiné à un statut de figurant dans cette fameuse commission. »
’APPEL de souligner que «la présence des ministères de l’Intérieur et de la Justice est encore plus intrigante». Voici l’intégralité du communiqué.
L’Association des Éditeurs et Professionnels de la Presse en Ligne (APPEL) a pris connaissance du nouvel arrêté du ministre de la Communication portant création de la “Commission d’examen et de validation de la déclaration des entreprises de presse du Sénégal”. Elle l’a beau chercher dans le fil conducteur du Code de la presse, mais il n’y est pas, tout comme il brille par son absence dans tous les textes d’application du Code. C’est pourquoi, par la magie d’un raccourci rapide, il faut dire que cet arrêté du ministre est une sorte d’Ovni dans l’ordonnancement juridique et institutionnel du secteur des médias.
”Cet arrêté du ministre est une sorte d’Ovni dans l’ordonnancement juridique et institutionnel du secteur des médias”
Cet arrêté, élaboré de manière cavalière, sans consultation ou concertation aucune, s’arroge un droit de vie et de mort sur les entreprises de presse. En effet, dans ses missions énumérées à l’article 2, il dit, entre autres : “examiner les demandes d’enregistrement des entreprises de presse adressées au Ministère via la plateforme ci-dessus visée, s’assurer du respect des critères d’éligibilité et des conditions requises, au regard de la législation en vigueur, valider ou rejeter les demandes d’enregistrement…”.
‘’Quand le texte imposé par le ministre parle de valider ou de rejeter, la, il outrepasse ses prérogatives et fait un pied de nez à l’autorité de régulation’’
Le texte imposé par le ministre de la Communication souffre d’un manque criant de clarté et de précision. Pour éviter toute possibilité d’amalgame, il devrait indiquer, préciser la “législation en vigueur”. Quand il parle de valider ou de rejeter, là, il outrepasse ses prérogatives et fait un pied de nez à l’autorité de régulation. Le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA), qui est une autorité administrative indépendante avec pleins pouvoirs sur l’audiovisuel, est confiné à un statut de figurant dans cette fameuse commission. La présence des ministères de l’Intérieur et de la Justice est encore plus intrigante.
‘’Le Cnra confine à un statut de figurant dans cette fameuse Commission où la présence des ministères de l’Intérieur et de la Justice est encore plus intrigante’’
Le 16 août dernier, le ministre de la Communication a lancé une plateforme d’enregistrement en ligne des entreprises de presse. Malgré les insuffisances du support, les médias s’y sont enregistrés en masse. Même pour cette initiative, encore des erreurs flagrantes ont été notées. Lesquelles résident dans les critères énumérés dans l’arrêté de mise en place, et ceux inscrits sur cette plateforme. Depuis lors, il n’y a eu aucun rapport spécifiant le nombre d’entreprises enregistrées, leur typologie, entre autres données d’analyse. Celles qui se sont fait enregistrer n’ont aucune information sur le processus. Quid de l’article 9 de l’arrêté du ministre qui parle de la Commission permanente ?
En vérité, il ne s’est jamais posé un problème d’enregistrement parce que le 15 décembre 2022, une campagne d’enregistrement de 40 jours avait été lancée par le prédécesseur de l’actuel ministre. Elle n’avait suscité aucune tension ni réaction de réprobation de la part des acteurs. D’ailleurs, les chiffres avancés par la Tutelle proviennent souvent de ce recensement.
L’écueil fondamental dans la tentative d’application des textes est lié plutôt dans l’exploitation de ces données. Le ministère de la Communication, au lieu de prendre en charge une nouvelle commission, ne pourrait-il pas renforcer le personnel de la Direction de la Communication pour étudier les différents dossiers, selon leur conformité avec le Code de la presse et ses textes d’application.
‘’Il ne s’est jamais posé un problème d’enregistrement des entreprises des médias parce que, le 15 décembre 2022, une campagne d’enregistrement de 40 jours avait été lancée par le prédécesseur de l’actuel ministre. Elle n’avait suscité aucune tension ni réaction de réprobation de la part des acteurs’’
L’Appel s’interroge, en outre, sur les volontés réelles du ministre. Une interrogation légitime, surtout que, depuis les instructions du président de la République faites en Conseil des ministres pour un “dialogue rénové”, aucun acte n’a été posé dans ce sens. Appel a l’impression que la tutelle snobe ou méprise les acteurs des médias. Alors qu’ils partagent, tous, les mêmes objectifs qui sont l’assainissement du secteur. Une concertation aurait pu éviter au ministre ses nombreux errements. Depuis près de deux décennies, les acteurs des médias se sont penchés sur ces textes et cherchent à les parfaire davantage avec les Assises nationales des médias parce qu’ils sont conscients de l’importance et du rôle de la presse dans la construction des valeurs d’une société exemplaire.
‘’Appel a l’impression que la tutelle snobe ou méprise les acteurs des médias. Alors qu’ils partagent, tous, les mêmes objectifs qui sont l’assainissement du secteur, une concertation aurait pu éviter au ministre les nombreux errements’’
La recette pour un bon assainissement du secteur des médias figure dans le Code et ses textes d’application. Les éditeurs et professionnels de la presse en ligne invitent le ministre de la Communication à surseoir à cette commission qui viole tous les textes qu’il a visés dans cet arrêté. Sinon ils n’écarteront aucune action, aucun moyen de droit pour lui barrer la route. Appel reste solidaire avec les autres organisations professionnelles des médias comme le CDEPS ou plus largement la Coordination des associations de presse (CAP) pour bâtir ensemble avec l’appui de l’État un environnement médiatique professionnel et performant. »