Le nouveau régime fait face à un front social en réelle surchauffe, avec les victimes des inondations qui crient au désespoir, les étudiants qui ont subi l’assaut des forces de l’ordre (ce jour à l’université de Dakar), parce qu’ils réclament le paiement de leurs bourses, la société civile qui multiplie les critiques contre le gouvernement (scandales de l’ASER, que cherche à noyer Sonko), la répression des opposants qu’elle dénonce et des déclarations irresponsables de Sonko qui s’arroge le rôle d’inquisiteur en chef pour annoncer qui sera poursuivi ou pas, etc.
La campagne électorale est lancée, de facto, par Sonko qui a organisé un rassemblement (samedi) pour collecter des fonds, non pas pour porter secours aux populations de Bakel, Matam, Kédougou, Kanel, etc., qui sont envahies par les crues dévastatrices du fleuve Sénégal, mais pour financer la campagne de son parti Pastef. Un événement indécent dans le contexte actuel, qui a permis d’annoncer des « dons de 500 millions de francs CFA ».
Qui peut croire cela dans un pays où tout le monde se plaint de la cherté de la vie, des pertes d’emplois, des retards de salaires et de bourses ? Un pays en proie à des inondations catastrophiques qui ont annihilé de nombreuses récoltes dans les zones impactées.
Il s’y ajoute une chasse aux sorcières claironnée par Sonko, qui annonce aussi une « raréfaction » des donateurs qui craignent d’être ciblés. Tout ceci permet d’affirmer que cette collecte miraculeuse est incroyable, au sens littéral du terme.
Il faut que la liste des contributeurs soit publiée pour édifier les citoyens sénégalais. Et que l’objectif annoncé de « un milliard de francs CFA » soit tracé, pour ainsi dire, pour voir qui a mis la main à la poche, au Sénégal et à l’étranger.
Cette collecte miraculeuse suscite plus de questions qu’elle n’apporte de réponses à un financement électoral hypothétique. Ou alors, il y a des donneurs mystérieux, tapis dans l’ombre, qui seraient des surdoués de la générosité et/ou de la multiplication « légale » des billets pour la charité.
Mais pourquoi alors recourir aux eurobonds et autres prêts qui saignent à blanc les finances publiques ? L’affichage de cette « réussite insolente baptisée collecte de fonds » incite les étudiants et les autres personnes à qui l’État doit salaires, bourses de solidarité familiale, dettes diverses et variées, à manifester leur colère.
C’est pourquoi il est plus sage de ne pas crier certaines victoires douteuses.
La surchauffe n’est pas seulement causée par des revendications financières, mais aussi par un comportement antidémocratique de la part des nouvelles autorités qui sont allergiques à la critique. Ils arrêtent à tour de bras et interdisent des sorties du territoire à des personnes qui n’ont reçu aucune notification judiciaire.
Des opposants en déplacement vers les zones d’inondation, pour porter secours aux victimes, ont été empêchés et retenus en garde à vue, sous de faux prétextes. Les opposants d’hier se sont métamorphosés en autocrates.
Tout cela ne présage rien de bon pour ce nouveau régime qui fera face, le 17 novembre, à de nouveaux opposants révoltés et déterminés.
Les populations, déçues par le gouvernement qui est aux abonnés absents, vont sanctionner massivement dans les urnes les candidats qui se réclament du pouvoir. Quant aux jeunes, ils ont tourné le dos à Sonko et font cap sur les îles Canaries, porte océane de l’Europe. À leurs risques et périls !
Leur déception est telle qu’ils ont décidé de braver les vagues, à un rythme jamais vu, qui effraie tous les observateurs. Ces « nouveaux boat people » sont une tragédie pour le Sénégal.