Comme l’a appris « Le Monde », un juge d’instruction a été désigné, le 18 avril, après une plaintedéposée en septembre 2023 contre le président qatari du club parisien par son ancienmajordome.
A l’instar de poupées russes, les procédures pénales se déploient en France autour de Nasser AlKhelaïfi, dit « NAK ». Comme l’a appris Le Monde, le président qatari du Paris Saint-Germain (PSG) etpatron du groupe BeIN Media est visé par une nouvelle information judiciaire. Cette procédure a étéouverte après une plainte avec constitution de partie civile déposée en septembre 2023 par l’ancien majordome marocain de « NAK », Hicham Karmoussi. Il dénonce des faits de « travail dissimulé,
emploi d’étranger sans autorisation de travail, harcèlement moral ».
Comme le confirme le parquet de Paris, un juge d’instruction a été désigné, le 18 avril, pour instruirecette procédure ouverte après « analyse » de la plainte et un « réquisitoire introductif », pris par leministère public le 12 février. Antoine Ory, avocat de M. Karmoussi, salue « une étape importante pource volet dont les infractions sont parfaitement caractérisées et que M. Karmoussi attendait depuislongtemps. » Gardien de tous les secrets de son ex-patron, M. Karmoussi est aujourd’hui l’un desprotagonistes centraux des procédures judiciaires autour de « NAK ».
Sollicité, Renaud Semerdjian, l’avocat de M. Al-Khelaïfi, n’a pas souhaité réagir. Son client avait déposéplainte, en 2024, contre X, pour « escroquerie, vol, tentative de chantage », visant notamment son exmajordome. L’entourage de NAK assure être « malheureusement habitué ces dernières années à descampagnes de di!amation complètement folles et infondées auxquelles (il) ne fer(a) pas l’honneur deréagir davantage dans les médias » et déclare « faire plutôt confiance à l’État de droit et au systèmejudiciaire » pour « continuer à mener (…) l’ensemble de (ses) actions en justice, souvent en tant quevictime, avec une confiance totale et sereine. »En septembre 2023, une enquête préliminaire avait été ouverte par le parquet de Paris après unepremière plainte de M. Karmoussi contre M. Al-Khelaïfi pour des « faits de travail dissimulé, d’emploid’étranger non muni d’une autorisation de travail, de harcèlement moral, de violencespsychologiques, de menaces et de conditions de travail contraires à la dignité humaine ». Cetteplainte avait été transmise au parquet de Nanterre – dont la division économique et financière avaitmené des investigations à ce sujet – avant d’être renvoyée à celui de Paris pour des raisons decompétence.
« Menaces de mort » supposées
Ancien joueur de tennis professionnel – une passion partagée avec « NAK », également joueur de bonniveau –, M. Karmoussi reproche notamment à son ex-employeur de ne lui avoir fait signer aucuncontrat de travail de 2011 à décembre 2018, « ou plus exactement (…) [de lui avoir fait] un contrattotalement factice avec un organisme intitulé “Smash Academy”, qui serait censé rémunérer un emploi,qu’il n’occupait plus depuis 2008, d’entraîneur de tennis », détaille la plainte.
En outre, l’ancien majordome accuse son ex-patron de l’avoir sommé, à deux reprises, de dissimuleret détruire « d’éventuelles preuves d’infractions » (téléphones, ordinateurs, clés USB, iPad, documents)pour les soustraire à la justice française. Pêle-mêle, M. Karmoussi a dénoncé les « comportementsintimidants de son employeur », « violences psychologiques » présumées « entre 2017 et 2020 », et« menaces de mort » supposées de la part de M. Al-Khelaïfi, qui auraient « perduré jusqu’en 2020 ».
Par ailleurs, l’ex-intendant accuse l’entourage de son ancien patron d’avoir tenté de l’enlever, début2020, pour l’emmener de force au Qatar. Ces accusations sont au cœur d’une information judiciaireouverte en 2023 par le parquet de Paris pour, notamment, des soupçons d’« arrestation »,« enlèvement », « séquestration avec torture ou acte de barbarie commis en bande organisée »,« extorsion », « association de malfaiteurs » en lien avec la détention, en 2020 au Qatar, du lobbyisteet a!airiste franco-algérien Tayeb Benabderrahmane.
Comme M. Benabderrahmane, M. Karmoussi a paraphé, en juillet 2020, un protocole d’accordcontroversé, remettant aux avocats de M. Al-Khelaïfi un disque dur et des clés USB contenant desdonnées potentiellement compromettantes sur « NAK », en lien avec l’attribution de la Coupe dumonde 2022 au Qatar. Des éléments sensibles que M. Karmoussi avait transmis, en août 2018, aulobbyiste, après que le patron du PSG eut confié son téléphone à son assistant personnel.
Opération d’espionnage
Ledit accord transactionnel a, par ailleurs, mis un terme à la collaboration contractuelle entreM. Karmoussi et le groupe télévisuel BeIN Sports, dirigé par « NAK ». Messages vocaux et échangesécrits à l’appui, un constat d’huissier e!ectué à la demande de M. Karmoussi en mars 2020, consultépar Le Monde, atteste de la dégradation des relations entre « NAK » et son majordome et du tonvéhément employé par le patron du PSG.A l’instar de M. Benabderrahmane, M. Karmoussi a été condamné à mort en 2023 par le tribunal pénaldu Qatar par contumace pour des délits présumés d’espionnage au détriment de l’émirat : il estaccusé par les autorités de Doha d’avoir tenté de monnayer aux Emirats arabes unis des donnéesappartenant à « NAK ». Sollicitée, l’ambassade du Maroc – dont M. Karmoussi est ressortissant – en France n’a pas répondu
M. Karmoussi a également été mis en examen, en juillet 2024, dans l’a!aire dite des « barbouzeries »autour du PSG et de « NAK » pour « abus de confiance », « complicité de détournement, recel dedétournement, accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données » et « atteinte àl’intimité de la vie privée par fixation d’image ». Le président du PSG soupçonne notamment sonancien majordome d’avoir participé à une opération d’espionnage présumée à son appartementparisien, dans le 16e arrondissement, et d’avoir « mis une caméra » à son domicile.
M. Al-Kheïlafi est, lui, mis en cause dans un autre dossier en lien avec l’homme d’a!aires ArnaudLagardère. Le 5 février, il a été mis en examen pour « complicité d’achat de vote et d’atteinte à laliberté du vote » et « complicité d’abus de pouvoirs au préjudice de la SCA Lagardère ». Le 20 mars, lademande de « démise en examen » de « NAK » a été rejetée par les juges dans ce dossier, selon desinformations du Monde confirmées par une source judiciaire.