Le retour de Kabila à Goma dé
clenche les foudres du régime
du président Félix Tshisekedi,
qui voit dans ce choix de l’ex-homme
fort du pays un acte flagrant d’hostilité,
voire une déclaration de guerre.
C’est pourquoi des décisions fortes ont
été prises : suspension des activités de
son parti (PPRD), engagement de pour
suites pour haute trahison (complicité
avec les rebelles) contre Kabila, saisie
de ses biens et restriction de ses dé
placements sur le territoire national.
Entre les ex-alliés, la rupture est totale,
et l’affrontement risque d’être brutal.
Mais pourquoi diable Kabila — qui a
exercé le pouvoir pendant dix-huit ans
— est-il revenu au Congo, à une période
où le Nord-Est du pays est ravagé par
la guerre entre le M23 et le régime ?
Pourquoi a-t-il préféré s’installer à
Goma, déjà conquise par les rebelles ?
Y serait-il bien accueilli s’il n’avait pas
de bonnes relations avec les nouveaux
maîtres des lieux ?
Par ses actes, Kabila renforce les soup
çons qui pèsent sur lui d’être de conni
vence avec les insurgés. Cependant,
tout semble indiquer qu’il a mal choisi
son moment, car l’offensive rebelle
n’est plus assurée de triompher face à
une mobilisation musclée de la com
munauté internationale.
Avec les dernières déclarations de l’en
voyé spécial des États-Unis, Massad
Boulot, conseiller principal de Donald
Trump pour l’Afrique, qui a exigé le re
trait des troupes rwandaises et le dés
armement du M23…
Cette position ferme des États-Unis
s’explique aussi par le « deal minier »
conclu entre Washington et Kinshasa.
Ce tour de force diplomatique, poli
tique et économique devrait être un
game changer, et le Rwanda semble
l’avoir compris après les sanctions fi
nancières américaines infligées à
James Kabarebe, un général et ministre
rwandais qui coordonne les relations
avec le M23, si l’on peut dire.
La rencontre à Doha entre Kagame et
Tshisekedi participe de cette « détente
» imposée par Washington.
Nul n’ignore la force de frappe multi
forme de Trump, qui sait joindre l’acte
à la parole si l’enjeu en vaut la chan
delle. Les ressources minières fabu
leuses de la RD Congo attirent toutes
les convoitises, certes, mais chacun
doit savoir jusqu’où ne pas aller trop
loin. Kabila, en revenant au Congo, joue
très gros. Retrouver le pouvoir ? Rien
n’est moins sûr !
Il risque de beaucoup perdre, et les at
taques subies par des membres de sa
famille, dont les maisons ont été ci
blées, constituent un sérieux avertis
sement. Pour le moment, il fait le dos
rond et annonce une prochaine prise
de parole publique.
Il a intérêt à bien réfléchir et à bien peser
ses mots. C’est ce qu’il aurait dû faire
avant de revenir au pays dans un
contexte aussi trouble. La situation reste
instable et incertaine, et Kabila comme
Tshisekedi jouent leur survie politique.
